Ladj Ly filme la réalité des cités de banlieues sans juger ni épargner personne, et traque les failles et les manquements d’un système sclérosé de toutes parts. Tendu et rentre-dedans.
15 juillet 2018. La France remporte la coupe du monde de football. C’est la liesse, on festoie, on parade, on s’étreint et, pour l’occasion, on ressort les beaux discours d’union populaire et de « vivre ensemble ». Jusqu’ici tout va bien (si l’on omet, ce soir-là, des pillages de magasins, des policiers et gendarmes blessés, de nombreuses gardes à vue et des accusations d’agressions sexuelles). C’est cette victoire des Bleus qui va servir de point de départ de ces Misérables rentre-dedans, victoire charriant avec elle ces soi-disant valeurs de tolérance, d’intégration et de mixité que le film va, méthodiquement, réduire à néant face à la réalité des cités de banlieue.
Si Victor Hugo n’est jamais loin évidemment, cité en titre et en conclusion, et survolant de ses mots (« Les infâmes et les infortunés se mêlent et se confondent dans un seul mot, mot fatal, les misérables ; de qui est-ce la faute ? ») cet « espace d’environ une lieue autour d’une ville sur lequel s’étendait le ban », c’est surtout la controverse autour d’une bavure à Montfermeil en 2008, filmée et révélée par Ladj Ly lui-même, qui a inspiré ces Misérables-là, ces Misérables d’aujourd’hui. Qui montre ce semblant d’entente sociale et cette diversité censée faire la vie des quartiers qui, pourtant, ne pourront rien face à la violence la plus extrême quand celle-ci décidera soudain de se manifester.
Qui témoigne, ici pour une histoire de lionceau volé au cirque d’à-côté prête à tout embraser, de ces arrangements, formels ou implicites, décidés entre les différentes populations, composés entre les différents « clans » de ce « territoire » (comme Ly s’autorise à le définir). Qui révèle toute la colère et la frustration (répercutées dans un tir de flashball et, plus tard, dans un guet-apens revanchard) d’un quotidien sans perspective, du côté des flics (mal payés, mal considérés, mal lunés) comme du côté des jeunes, plus jeunes, anciens et habitants ordinaires des cités (peu ou pas d’avenir, contrôles d’identité incessants, précarité et délinquance…). Avec, comme seule réponse (improductive) à ces faits, un refus des codes et des règles, des abus et des limites franchies, des doigts d’honneur à la République.
Avec, de chaque côté, et Ly ne cherche à épargner ni juger ni valoriser personne, des salauds, des gentils, des ordures, des exclus. Et au milieu un gouffre que Ly filme à l’arrache ou dans de larges mouvements de drone, une immensité où l’incapacité des forces en jeu à vouloir (pouvoir) améliorer les choses, s’ouvrir à l’autre, faciliter les rapports, permet toujours plus d’excès et de rejets (et de morts). Combler ce gouffre semble désormais mission impossible, et investir, reconstruire, favoriser l’éducation, insuffler une parité sociale, suffirait-il à endiguer les trafics en tout genre, les émeutes, les bandes organisées, les bavures policières, arrêter les racismes ordinaires, la démission des parents, le repli communautaire, l’insécurité, l’incivilité, le délit de faciès ?
Les politiques de la ville (dont Ly dénonce l’immobilisme et les promesses en l’air) se sont succédées, sans motivation et encore moins de succès, pour réhabiliter ces « zones dites sensibles » mais les laissant, à chaque tentative, à leur sort et à ses voitures brûlées (et ce malgré tissu associatif et initiatives citoyennes qui tentent de faire bouger les lignes). Préférant ne pas voir ces jeunes en rupture de repères, enclins à tous les débordements ; négligeant ces flics à cran, dépassés ou qui se la jouent shérifs ; oubliant ces femmes et ces hommes dans un désastre architectural (celui des grands ensembles) et inégalitaire au long cours. Finalement, pas grand-chose n’a changé depuis Laisse béton en 1984 et Le thé au harem d’Archimède en 1985. Trente ans après, Misérables et Banlieusards (de Kerry James) disent le même bordel, les mêmes situations inextricables, et si pour ça James passe par le prisme de la famille, Ly s’engage sur la voie de la chronique urbaine dont l’issue, de façon presque logique, ne sera que violences et incertitude.
Si Ly a dit vouloir en finir avec les clichés sur les cités, le film donne pourtant l’impression de se construire grâce à eux dans la caractérisation des personnages, tout en cherchant à ne pas les réduire à ces seuls clichés-là. On n’échappera donc pas au flic beauf, au flic noir intégré, au bleu auquel il est facile de s’identifier, au parrain proclamé, aux petits caïds, aux gitans à ne pas énerver et aux frères musulmans cérémonieux. Avec sa mise en scène alerte et une exceptionnelle maîtrise de la tension (surtout dans la dernière partie filmée dans l’exiguïté d’une cage d’escalier), Ly traque les failles et les manquements d’un système sclérosé de toutes parts jusqu’à l’irrémédiable, jusqu’au trop tard. Jusqu’ici rien ne va plus. « Je n’ai jamais vu de réelle avancée et même, à la limite, c’est de pire en pire », résume Ly sur la situation des banlieues. Alors, demandait Hugo, à qui la faute ?
Michaël Pigé
Un petit film sans originalité, surproduit par des papys de la production cherchant la bonne affaire (Sylvie Pialat et fils, Édouard Weill, etc…) où tout personnage féminin ne reste que 30 secondes à l’ecran, qui enchaîne des séquences prévisibles et qui surtout comment l’effroyable faute de goût de ne pas avoir de fin. Ce qui dénote d’un amateurisme inconséquent. Bref, c’est le PNL du cinéma…
Très dérangeant aussi : les placements de produits incessants (un des trois flics commande un « Perrier » qui lui est apporté au quasi-ralenti par le serveur) jusqu’à la Peugeot flambante neuf des flics…