Malgré une belle énergie et un certain savoir-faire dans la reconstitution, Le Mans 66 s’avère bien lourd et convenu dans sa manière de raconter la lutte entre des pilotes de courses et l’industrie automobile.
On ne peut pas dire qu’on n’est pas prévenus : un biopic sur une victoire américaine par Ford contre Ferrari n’impliquait pas vraiment un traitement dans la dentelle. Deux fausses pistes laissaient pourtant espérer quelques sorties des routes formatées : la belle surprise qu’avait été le Rush de Ron Howard en 2013 et le Logan du réalisateur ici aux commandes, James Mangold.
Sur la forme, le savoir-faire sera, reconnaissons-le, de la partie : les courses, lorsque l’on y consacre enfin du temps, sont plutôt bien troussées, même si elles n’impressionnent pas outre mesure. L’aspect vintage des 60’s est convaincant, soutenu notamment par une BO bien sympathique, insistant sur l’habillage propre aux séries de la même décennie, et allégeant le grand sérieux qui mine par instant toute cette entreprise.
Sur un pitch assez intéressant (la volonté de Ford de rebooster ses ventes en investissant dans le prestige des courses automobiles), le rouleau compresseur du film de studio va faire tout de même bien des dégâts, enfilant comme des perles les poncifs, de la scène d’exposition de l’épouse (oh la la, une inconnue conquise et on ne peut plus engageante déboule dans le garage, ah non en fait c’est la régulière, oh oh oh nice trick) aux gimmicks aux bourses pesantes (les mecs, sortez vous les doigts et trouvez des idées, eh dude, sors de ta caisse elle est en feu, hey guy, tu conduis dans le civil avec un culot qui ferait frémir la sécurité routière, mais montre surtout que t’es sévèrement burné, etc. ad lib), ne renonçant à aucune recette éculée (du type : contrechamps constants de l’équipe /le fils / la femme / les rivaux sur la course) pour mener à bien un récit qu’on sait conduit vers la victoire, et qui dure bien ¾ d’heure de trop.
Tout cela est bien lourd, et ce n’est pas Damon sous son chapeau de cow-boy et mâchant son chewing-gum ayant perdu toute saveur, ou Bale en chien fou, chantre de l’individualisme contre la nationale mais néanmoins un peu méchante compagnie Ford qui viendront prouver le contraire. L’idée d’articuler les ambitions assez incompatibles entre de véritables artisans de la mécanique et des communicants du marketing avait du bon, mais aboutit dans l’ensemble a de poussives démonstrations qui héroïsent des protagonistes dénués de toute ambiguïté.
Reste ce plaisir de voir des fanatiques fourailler dans les pistons, les disques de frein et se battre avec le délestage pour une quête on ne peut plus humaine, cette vanité de tourner en rond pendant 24 heures, mais avec technique, vitesse, et audace, ces autres attributs du panache.
Sergent Pepper