Pour la première fois, Benzine est partenaire média de cette manifestation pour apporter un regard quotidien sur cet événement devenu une véritable institution cinématographique.
Grâce à la passion des créateurs d’origine Monique et Claude Martin, et à leur envie d’ouvrir la focale en même temps que l’âme cinéphile des spectateurs, chaque année, depuis plus de vingt ans Albi (chef-lieu du département du Tarn), et cité épiscopale classée au patrimoine de l’Unesco, se transforme en rendez-vous incontournable du cinéma francophone. Pour cette 23e édition, du 19 au 24 novembre 2019, l’ADN reste le même, le corps entier de la programmation est exclusivement composé de films contenant comme particules le français en langue d’usage officielle (25 Avant-premières dont 10 longs métrage concourent pour le Prix du Public, 11 séances Coup de coeur pour revoir ou découvrir des films déjà sortis en salles, 8 courts-métrages en compétition pour le Prix du Public).
Dès la première matinée, comme un symbole de son intérêt à l’émancipation féminine dans la réalisation d’œuvres cinématographiques reflétant le combat des femmes dans l’égalité des droits, et dans leurs libertés individuelles le Festival a projeté d’entrée de jeu le magnifique et bouleversant Portrait de la jeune fille en feu (2019) de Céline Sciamma (récompensé par le Prix du scénario au dernier Festival de Cannes).
Puis en hommage et comme un pertinent écho à cet affranchissement féminin, la projection du précurseur et révolutionnaire Cléo de 5 à 7 (1962) de la regrettée Agnès Varda, dans le cadre d’un atelier d’analyse filmique proposé aux lycéens «option cinéma» de la région. Une précieuse éducation à l’image dont bénéficie également les collégiens autour de Papicha (2019) de Mounia Meddour. Un film contre l’obscurantisme algérien entre1991 et 2002 (la décennie noire), à travers le destin d’une jeune styliste de mode et d’une bande de filles de la cité universitaire d’Alger, qui souhaitent vivre leur jeunesse librement malgré l’hostilité funeste ambiante. La réalisatrice opte pour une caméra vibrante, au plus près des peaux, des étoffes (symbole d’émancipation), pour mieux nous faire ressentir les palpitations de vie, la sensualité des corps, le sentiment de peur et la rage devant les actes terroristes perpétrés par ces fondamentalistes religieux (hommes et femmes). Ce long métrage énergique dévoile un saisissant récit, à l’empathique narration parfois fragile mais toujours sincère, de la vie quotidienne de ces jeunes filles intensément résistantes malgré l’oppression à chaque coins de rues où derrière les murs. Un combat où la sororité s’éprouve, entre leur envie de modernité (vêtements, maquillage, boîte de nuit, musique, cigarette) et l’enfer traditionaliste qui se referme comme un étau sur elles. Un manifeste féministe d’une force visuelle éblouissante, aux séquences chocs qui nous saisissent d’effroi. Un lumineux hymne à la liberté, universelle et salutaire (à l’heure où l’intégrisme ne se dérobe jamais), porté par de formidables jeunes interprètes, dont la révélation de l’épatante Lyna Koudri. Puissant.
L’après-midi enchaîne dans le même état d’esprit avec une séance coup de coeur de Camille (2019) de Boris Lojkine mettant en lumière le destin funeste de Camille Lepage photo-reporter.
Le jour tombe en douceur sur les rives du Tarn au moment de la première avant-première du Festival en compétition par le biais du naturaliste et réalise Revenir (2020) de Jessica Palud qui évoque les difficultés dans le monde agricole avec Niels Schneider et Adèle Exarchopoulos comme interprètes principaux. Une œuvre rurale humble et touchante.
En ce premier soir, dans l’ambiance conviviale du cinéma les Cordeliers, place à la cérémonie d’ouverture qui débute par une présentation à travers des bande-annonces de films en compétition, des discours enthousiastes, un cocktail aux saveurs chaleureuses et l’annonce de « la meilleure affiche du film francophone », concours inauguré cette année et dont l’affiche Tout ce qu’il me reste de ma révolution (2018) de Judith Davis sort vainqueur d’un jury professionnel de 8 personnes. Une magnifique soirée en prologue de la présentation de la deuxième avant-première du jour La Dernère vie de Simon (2019) de Léo Karmann lui aussi en lice pour le Prix du public. Un original conte fantastique d’une richesse thématique ambitieuse, un projet complexe qui comporte une narration aux ruptures de tons audacieuses, pour entraîner le spectateur vers une narration sous la forme d’un thriller identitaire attachant. Un premier jour d’un Festival donne toujours le «la», celui-ci fut sans fausse note et fidèle à ses intentions, ouvrir avec exaltation le champ de nos visions. Albi c’est bien parti !
Sébastien Boully