Né à la fin des années 70 à Tel Aviv puis exilé à Bruxelles, Minimal Compact fit partie de la fantastique aventure de Crammed Discs qu’il faudra raconter un jour. Ils reviennent 32 ans après leur dernier disque pour une relecture de leurs anciens titres. Ce qui annonce sans aucun doute un avenir pour le groupe.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas Minimal Compact, resituons le contexte. Nous sommes au début des années 80 avec un mouvement, le Post Punk qui cherche des voies de traverse. Minimal Compact est l’une d’entre elles au même titre dans un autre registre que A Certain Ratio ou Gang Of Four. Il ne faudra pas trop vite limiter Minimal Compact à un énième combo cold Wave car dès leurs débuts, les israéliens mêlèrent à leur mélancolie martiale et froide des sonorités moyen-orientales qui posaient les premiers jalons d’une World Music fréquentable. Après The Figure One Cuts (1987), le groupe se sépara, Samy Birnbach prenant la tangente vers la musique électronique sous son alias DJ Morpheus, Malka Spiegel créant différents projets avec son mari Colin Newman (Wire), Rami Fortis et Berry Sakahrof évoluant pendant un temps dans la formation éphémère Foreign Affairs. Minimal Compact renaîtra de ses cendres ponctuellement et plus particulièrement en 2003 à la faveur d’une compilation (Returning Wheel) qui permit à un nouveau public de redécouvrir le travail du groupe.
Creation Is Perfect passe la vitesse supérieure, vrai faux album plus de trente ans après sa séparation, est avant toute chose des réinterprétations de vieux titres du groupe et permettent de voir combien les compositions des israéliens restent pertinentes en 2019. The Well ou My Will gardent cette même urgence intacte. Ajoutons encore la présence de l’inédit Holy Roller qui laisse présager d’un futur possible pour les vétérans.
Mais si ce disque était avant tout chose le prétexte à une déambulation rêveuse dans notre nostalgie et notre mélancolie. Peut-être mais pas seulement. C’est un groupe actif et jamais appuyé sur ses vieux acquis que nous voyons à l’oeuvre. Certes le titre inédit n’apporte pas grand chose à la légende mais il suscite notre excitation et notre attention.
Avant de découvrir de nouvelles matières inédites avec Minimal Compact, on l’espère pour très bientôt. Cette écoute de Creation Is Perfect est l’occasion d’une replongée dans un passé transfiguré, un espace-temps qui brouille les frontières.
Revenons donc en arrière…
Raging Souls (1985) de Minimal Compact est de ces albums qui m’ont forgé… Combien de fois l’ai-je écouté cet album avec sa pochette abstraite et austère ? Je ne saurai le dire….
1985, c’est l’année de la Curemania avec la sortie de The Head On The Door, les sosies de Robert Smith courent les rues drapés de noir. Minimal Compact est à la marge dans l’underground fréquentant le monde arty et indépendant qui foisonne à Bruxelles à cette période-là, ils côtoient Steven Brown, Blaine L.Reidinger ou Luc Van Lieshout de Tuxedomoon qui collaborent à leurs disques ou aux passionnantes compilations Made To Measure qui mériteraient une ressortie digne de ce nom, ils fréquentent assidûment l’équipe de Crammed Discs, Hector Zazou, Mark Hollander ou Aksak Maboul. Plus tard, on retrouvera dans le projet Foreign Affairs la présence aux chœurs d’Anneli Drecker de Bel Canto alors signé sur le label bruxellois.
Que dire de ce groupe qui n’a déjà été dit..? Formé à Tel Aviv à la fin des années 70 par Malka Spiegel, Samy Birnbach et Berry Sakharof, Minimal Compact sort son premier album, One By One en 1982 aujourd’hui augmenté de l’EP qui contient l’un de leurs titres les plus connus, le robotique Statik Dancin’ dont le côté Funky est encore plus affirmé sur Creation Is Perfect.
One by one est glacial mais mêle déjà des sonorités moyen orientales à leur Cold Wave Martiale…. Ce qui deviendra quelque part la marque de fabrique du groupe…
En 1984, ils reviennent avec Deadly Weapons aux textures plus synthétiques et à la mélancolie encore plus affirmée….
C’est donc en 1985 que sort Raging Souls, produit par un certain Colin Newman…. Avec ce troisième album, les israéliens s’éloignent un peu de la seule Cold Wave….
En ouverture, ce The Traitor un brin daté en termes de production mais dit on de la musique du Moyen-Age qu’elle est datée, de Bach, de Schoenberg ou de Berg… Chez Minimal Compact, il y a toujours un combat entre le mystique et le profane, entre le baiser de Judas et les chambres sombres… Ici, c’est un peu la rencontre improbable de Led Zeppelin (d’ailleurs repris ensuite par le groupe) et le Virgin Prunes de Gavin Friday.
Bien souvent quand on parle des années 80, on ne s’attarde pas trop sur le sujet y voyant surtout de musique pour garçons coiffeurs qui martelaient leur clavier de mélodies simplistes et indigestes… Dire que c’est faux serait injuste mais dire que les années 80, cela n’a été que cela, c’est encore plus injuste…. Quid de The Apartments ? Quid de Prefab Sprout ? Quid de Tuxedomoon ou Minimal Compact qui mêlèrent des sons provenant des musiques du monde à leur univers citadin et moderne ? Cela semble comme une évidence de parler simultanément de Tuxedomoon et de Minimal Compact tant leurs démarches respectives sont proches, parfois complémentaires, ce qui explique leurs régulières collaborations, par delà la seule raison d’être sur le même label…. Prenez ce This World orientalisant et écoutez ensuite The Stranger de Tuxedomoon ou encore Orkha Bamidbar sur One By One avec la présence du hollandais Dick Polak de Meccano et Marc Hollander et vous comprendrez.
Prenez Nightporter de Japan et When I Go de Minimal Compact pour ceux qu’elles sont, des berceuses accidentées, des failles béantes à remplir et ne pas refermer…Chez Minimal Compact, tout est sibyllin, lucide et distant mais en même temps généreux et humain….
Chez Minimal Compact, il y a ce désir de dépasser l’horizon, cette volonté d’élévation… Prenez Autumn Leaves comme un cousin de Disguise sur One By One. Il y a quelque chose de la transe dans la répétition, dans la scansion… Rien d’étonnant donc à ce que Samy Birnbach au terme du projet Minimal Compact parte sur un projet electro avec DJ Morpheus….
Chez Minimal Compact, il y a toujours quelque chose de lancinant, jouant avec la monotonie et l’ennui, comme cet animal humain qui court encore et toujours dans sa roue inexorable avec la voix blanche de la bassiste sur Returning Wheel. Regardons ces corps éteints dans ces lits aux draps sales, regardons la lumière de la bougie qui vacille, regardons la panique monter à travers le rideau et le jour qui ne veut pas se lever sur nos Raging Souls…
En sept titres (+ un inédit), Minimal Compact survole sa discographie dans un disque qui ne ressemble pas du tout à un best of mais à une forme de réappropriation d’un passé ancien pour en faire autre chose qui ne se résumerait pas au seul travail de la patine du temps. S’appuyant principalement sur Deadly Weapons (1984) et Raging Souls (1985), les israéliens délestent de quelques lourdeurs de production des titres phares de leur carrière, Nada à la façon 2019 s’avérant moins industriel que la version originale ou My Will à la mélancolie plus appuyée.
Tout cela annonce un âge des possibles pour Minimal Compact et permettra sans doute aux plus jeunes de découvrir un groupe injustement méconnu et mésestimé qui ne peut être résumé à son seul « tube », Statik Dancin’.
Oeuvre de mémoire ? sans doute. Création présente ? Assurément. Creation Is Perfect.
Greg Bod
Bravo et merci Greg pour ce bel article sur ce groupe unique, dont la musique restera à jamais, pour moi, la plus magique, envoûtante et magnifique. Pat.