Retour sur les trois premières saisons de la royale série The Crown et plus précisément sur la 3e, un ton en dessous des deux premières, diffusée depuis le 17 novembre 2019 sur Netflix.
À part les fanatiques absolus des destinées hors normes, les abonnés à Points de Vue – Images du Monde, les historiens friands d’anecdotes un peu oubliées, ou les curieux avides de vies sur un trône convoité, qui pourrait se prendre de passion aujourd’hui pour une série sur le règne d’Elisabeth II, reine du Royaume-Uni depuis presque sept décennies ?
Et pourtant, l’arrivée toute chaude de la saison 3 de The Crown, ainsi que des voix élogieuses autour de moi, m’ont décidé à démarrer ce que l’on peut qualifier de saga familiale sur fond d’Histoire malmenée et remarquable. Au point de me demander comment on a pu passer à côté de l’influence d’une famille à la fois décideuse et soumise aux aléas historiques d’un royaume contradictoire, imposant et parmi les plus prestigieux du monde. De cette question, qui éclaire finalement le dessein de la série, la troisième salve apporte une légère réponse en forme de déception mineure… En effet, les deux premières saisons offraient une vision riche, presque fantasmée de la vie de la monarque, existence faste mais jonchée d’imprévus et de décisions importantes à gérer délicatement.
Claire Foy campait à merveille une reine un peu jeune et maladroite pour assurer pleinement son rôle, mais qui a su sortir son épingle du jeu à des moments cruciaux pour l’avenir de son peuple. Une reine qui ne se sentait également jamais à sa place, dans un rôle trop majeur pour elle, et qu’elle n’avait jamais vraiment souhaité. A ses côtés, a contrario, sa sœur, la princesse Margaret (géniale Vanessa Kirby) qui aurait tellement aimé l’être à sa place… et en fond mais pas dans l’ombre pour autant, son mari le roi George qui ne sera jamais que l’époux, une mère un peu castratrice, etc… la série dépeignait génialement une famille unie sans l’être, une famille devant porter un message au monde qu’elle ne pensait parfois même pas… avec, pour le coup, une mise en scène sobre, hyper-millimétrée et impeccable, rappelant parfois l’ambiance feutrée de House of Cards. Comme si les séries sur le pouvoir étaient présentées ou estimées de la même manière…
Changement un peu abrupt pour ce troisième opus, avec un revirement complet de casting. Idée un peu hasardeuse et finalement de réussite inégale : si Olivia Colman poursuit de manière magnifique la destinée d’Elisabeth, le reste du casting peine à faire oublier les remplacés, surtout Helena Bonham Carter, qui rate pour le coup son interprétation outrancière de la princesse Margaret, personnage déjà peu commun et qui ne méritait pas ça.
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Indissociables de cela, les nouveaux épisodes sont eux aussi inégaux : si des moments restent spectaculaires – épisode 3 sur le glissement de terril dans un village minier, bouleversant – d’autres peinent à convaincre, s’attardant trop sur les velléités des uns et des autres, comme l’épisode ennuyeux autour du duc de Windsor en France. L’une des meilleures idées reste, puisqu’on suit peu ou prou la chronologie-destinée de Queen Lilibeth, de s’attader un peu sur le complexe prince Charles de Galles, ce fils dont on ne sait trop que faire et qu’en penser, et dont l’émancipation progressive reste une des intrigues les plus prenantes de la courte saison, assez pauvre en dates historiques fondamentales, mais qui annonce discrètement les bouleversements familiaux (Camilla, Diana) à venir…
On attend d’ores et déjà la suite des événements britanniques, car même si cette saison 3 reste un peu frustrante, elle compte toutefois parmi les choses les plus raffinées, élégantes et mélancoliques vues cette année sur le petit écran.
Jean-Francois Lahorgue