Patrick Mahé, un de ses plus grands fans, et Kent, dessinateur-musicien, nous proposent de découvrir l’homme derrière la légende, un garçon simple, généreux et attachant.
Une question me taraude, qu’apporte au public une biographie d’Elvis Presley en bande dessinée ? Surtout aussi classique dans sa forme – le dessin de Kent est réaliste, s’autorisant des apartés comiques, précis mais rapidement tracé en noir et blanc – et dans son scénario – une mise en abîme et une succession de flash-back. Elvis meurt… Un gamin s’étonne de l’affliction générale, des fans se proposent pour lui conter la légende de Memphis. Des témoins interviennent, Elvis enfant, Elvis à Las Vegas, Elvis et les filles, Elvis en Allemagne et en France…
Est-ce simplement pour nous faciliter la vie ? Nous épargner la fatigue de lire un livre ? Tant qu’à faire simple, il manque sa musique. Elvis mériterait un grand documentaire, à l’image de l’extraordinaire (Bob) Marley de Kevin Macdonald (2012).
Avouons que Patrick Mahé prend néanmoins le temps de nous faire découvrir le jeune homme, simple et généreux, derrière l’idole de toute une génération. Issu d’une famille pauvre, Elvis chante partout, à l’école et à l’office. Il retient tout, avale, digère et en donne sa propre version. Elvis invente le rock. Une musique sensuelle, qui bouge. Elvis se déhanche sur scène ! Le scandale est immense, un Blanc ne saurait danser comme les Noirs ! Le succès est immédiat. Si son premier producteur manquait d’ambition, le second, le « colonel » Parker – l’homme à 25 % – voit grand. Il lui fait enchainer concerts, films et télévisions. Elvis est sincèrement surpris par son succès. Persuadé qu’il ne durera pas, que tout cela n’a guère d’importance, bien moins que le gospel qu’il entonnait le dimanche, il entend en faire profiter sa famille, ses amis, ses potes et ses innombrables fiancées… Toute une cour vit à ses dépens, l’accompagnant en tournée dans le confortable bus, qu’il conduit lui-même. Elvis donne et se donne sans compter. Contraint à se droguer pour tenir, à se droguer pour dormir, il perd les pédales, se reprend et succombe au faîte d’une gloire retrouvée. Elvis est éternel.
Stéphane de Boysson
Elvis – Ombre et lumière
Scénario : Patrick Mahé et Kent
Dessin : Kent
Éditeur : Seuil-Delcourt
143 pages noir et blanc – 19,99 €
Parution : 16 octobre 2019