Produit par Barack et Michelle Obama, American Factory raconte la cohabitation entre des ouvriers chinois et américains dans une fabrique de pare-brises rachetée par un milliardaire chinois.
American Factory est né d’un partenariat entre Netflix et le couple Obama qui a décidé de se lancer dans la production de documentaires. Pour cette première réalisation très remarquée lors de sa projection au Festival de Sundance 2019, le couple de réalisateurs Steven Bognar et Julia Reichert – qui avaient déjà travaillé il y a 10 ans sur un court-métrage pour HBO consacré à une usine General Motors – ont vécu durant deux ans aux côtés de patrons et ouvriers américains et chinois dans une usine qui se trouve à quelques kilomètres de leur domicile.
En 2014, cette entreprise à la dérive dans l’Ohio est rachetée par le président de la multinationale chinoise Fuyao désireuse de s’implanter sur le territoire américain en appliquant des méthodes de travail utilisées en Chine afin d’obtenir le meilleur rendement possible. Au départ tout le monde est conquis. Les Américains voient d’un bon œil que des Chinois viennent investir de l’argent et leur permettent de retrouver du travail. Des amitiés se liens entre ouvriers des deux pays.
Au début l’entente est donc parfaite, les échanges sont riches et constructifs, même si les Chinois se méfient énormément des Américains. On assiste d’ailleurs à quelques séances de management assez hallucinantes durant lesquelles les responsables chinois expliquent à leur quelques 200 ouvriers expatriés présents sur le site de Moraine dissèquent, dans des termes bien peu flatteur, quel est le caractère de l’américain moyen. Et donc au fil du temps, chinois et américains se rendent compte que leurs méthodes de travail sont de moins en moins compatibles. Les salariés du coin se plaignent du manque de reconnaissance de la part des chinois pour les efforts consentis. Les tensions sont de plus en plus régulières et montent encore d’un cran au moment où un vote au sein de l’entreprise doit décider si un syndicat doit être mise en place dans l’entreprise ou pas. Les Chinois n’en veulent pas et engagent même une société afin de faire du lobbying anti-syndicats auprès des employés.
Ce documentaire passionnant nous dévoile une vision nouvelle du capitalisme mondialisé. Un monde où deux conceptions du travail et de la condition humaine se côtoient et finissent par s’opposer à cause de méthodes diamétralement opposées.
Un choc des cultures qui apporte un éclairage très intéressant sur la façon dont la Chine veut exporter sa vision de l’entreprise dans des pays occidentaux dont le mode de vie et de travail ne sont en rien comparable avec la sienne. Un contraste saisissant, parfaitement rendu par la caméra des deux réalisateurs qui ont su se fondre au cœur de cette entreprise mettant la distance nécessaire afin de ne jamais se montrer en faveur d’un camp ou l’autre. Du beau travail.