Tainted Lunch, le troisième album de Warmduscher, rempli de bizarreries énervées et souvent inspirées, pourrait bien être l’acte de naissance d’un groupe important.
On ne parle pas beaucoup, ou plutôt pas assez en France de Warmduscher, ce super-groupe (si l’on s’en tient à cette appellation très années 70…) composé à l’origine de membres de formations anglaises pourtant « à la mode » comme The Fat White Family ou Insecure Men. Et nos bougres avaient surtout la (petite) réputation jusque-là d’un combo garage punk un peu cradingue. Or, leur troisième album (déjà ! car voilà encore des stakhanovistes comme on les aime…), Tainted Lunch, risque bien de changer la donne, tant il s’agit d’un disque franchement étonnant…
En effet, avec la caution non négligeable de l’Iguane qui introduit le disque de sa voix de rescapé de Tchernobyl en nous présentant les règles du jeu (Rules of the Game), Warmduscher nous offre ni plus ni moins que la playlist parfaite de l’année 2019, et donc le disque à mettre à sous le sapin pour Noël pour des fêtes de fin d’années bien chargées. Sur Tainted Lunch, on ne trouvera rien de moins que du Hip Hop vintage de chez vintage (Burner), de la « Fusion » groovy rescapée des années 90 (Midnight Dipper), du kraut-rock radioactif (Tainted Lunch), de l’électro-pop façon Metronomy qui aurait largué les amarres (Disco Peanuts), du lounge jazzy baratineur et hébété comme Baxter Dury sait si bien en faire (Precious Things), du blues rock bien lourd (Fill It, Don’t Spill It), du rock stoner bavard (Grape Face), du funk façon Stevie Wonder venant de recouvrer la vue (Dream Lotion), et, bien sûr, cerise acidulée sur le gâteau bien crémeux, un slow / soul gluant et dégoulinant, frôlant le mauvais goût sublime (Tiny Letters).
Le point commun entre tout ça ? Aucun… Si ce n’est la rudesse de l’interprétation, dans un style « pas de quartier » qui rappelle bien entendu les racines punks du combo et leur goût pour les embrouilles qui se règlent une bouteille brisée à la main… Et si ce n’est cette rage inquiétante que l’on devine même derrière les chansons les plus anodines de Tainted Lunch… et qui finit heureusement par exploser de temps en temps, comme sur le redoutable et magnifique Blood Load, un titre qui justifie à lui seul l’écoute, non l’achat de Tainted Lunch.
Bon, il n’est pas certain que tous les morceaux de Tainted Lunch vous plaisent, le contraire serait sans doute anormal. Mais, écoutés bout à bout, comme en apnée, ils devraient vous convaincre que Warmduscher a dépassé le stade du groupe d’ivrognes rigolos et / ou énervés. Et pourrait prétendre à celui d’avenir du Rock Anglais.
Eric Debarnot