La rédaction a rassemblé ses souvenirs de cinéma et a voté pour désigner (sans classement, sinon chronologique) les quinze meilleurs films de la décennie écoulée.
The Social Network – David Fincher (2010)
Un film qui vous tient en haleine pendant deux heures alors qu’il ne se passe, en terme d’action, pour ainsi dire pas grand-chose. La principale réussite du film réside dans le montage et, surtout, dans la manière dont est racontée l’ascension fulgurante de Mark Zuckerberg. Le chef-d’œuvre de David Fincher combine intelligence confondante, qualités cinématographiques – mise en scène vibrante, écriture parfaite, énergie des dialogues – et pertinence dans sa vision de notre monde hypnotisé par une technologie aussi irradiante que fondamentalement mensongère.
Take Shelter – Jeff Nichols (2012)
Peut-être le premier des films de cette décennie 2010 à venir interroger les rapports de filiation, mais aussi la masculinité et l’angoisse des lendemains qui ne chantent plus. Take shelter installe un des grands auteurs en devenir du cinéma américain, à ranger aux côtés de Terrence Malick pour cette même science des films horizontaux, horizontaux pour ces lignes d’horizon, ces longs champs de l’Arkansas pareils à des océans qui ne sont pas sans rappeler Les Moissons du Ciel (1978) ou ces larges formats d’image qui dépassent l’écran dans Lawrence d’Arabie (1963) de David Lean. On pourrait rapprocher également Jeff Nichols de Stanley Kubrick pour cette même volonté à s’emparer des films de genre pour les dénaturer et y faire entrer les obsessions de son propre monde intérieur.
Oslo, 31 août – Joachim Trier (2012)
Vingt-quatre heures de la vie d’un homme. Vingt-quatre heures dans la vie d’Anders, ancien toxico bobo qui tente de reconstruire quelque chose, une deuxième vie. Joachim Trier, adaptant librement Le feu follet de Pierre Drieu La Rochelle, sculpte une belle œuvre au rythme vagabond, bavard et sensitif. Film en équilibre, désossé et fragile comme tout, Oslo, 31 août a la texture délicate d’un voile qui s’est sali. D’un sombre linceul.
La vie d’Adèle : chapitres 1 et 2 – Abdellatif Kechiche (2013)
Une œuvre magistrale qui nous étreint, qui nous chavire et nous brise le cœur, sublimée par la performance charnelle et bouleversante de deux actrices sidérantes de vérité et de mises à nue (Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux, en état de grâce). Un hymne à l’amour, à la liberté, à la jeunesse qui insuffle au film un souffle peu commun et qui nous donne la flamme pour tous les possibles. Et parce que vivre, c’est aussi aimer librement.
The grand Budapest hotel – Wes Anderson (2014)
The grand Budapest hotel est une véritable rupture dans l’œuvre de Wes Anderson : en abandonnant son terrain thématique habituel (la famille, le père perdu et retrouvé…) et en délaissant ici toute illusion de réalité, Anderson réalise ici son chef-d’œuvre. Complètement conceptuel, puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de transposer la thématique « Zweiguienne » (l’évanouissement de la grande civilisation européenne dans la barbarie du fascisme) dans un univers très BD (on pense tour à tour à Tintin et aux Pieds nickelés), mais également merveilleusement sucré, le film nous entraîne sur un manège emballé d’images aussi raffinées que puissamment évocatrices.
Under the skin – Jonathan Glazer (2014
Scarlett Johansson était la voix post-humaine dans Her. Elle est, dans Under the skin, le corps infra-humain, cette masse carnée que l’on observe à distance, et qui ne fascine que les humains. L’esthétique générale du film est entièrement conditionnée par l’étranger et son regard. Ce film, aussi fascinant qu’audacieux, questionne avec froideur notre humanité et notre chair sur laquelle se cristallise pourtant toute notre mythologie du désir
Boyhood – Richard Linklater (2014)
Tourné sur une durée de 12 ans avec des acteurs qui vieillissent au même rythme que leurs personnages, Boyhood raconte l’évolution d’une famille sur cette même durée entre divorce, remariages, déménagements et crise d’adolescence. Une saga familiale de 2h45 bouleversante et dans laquelle on ne s’ennuie pas une seule seconde malgré l’apparente banalité des choses qui se déroulent sous nous yeux. Car le talent de Richard Linklater et la justesse du jeu des acteurs font de ce film un petit miracle de cinéma, un film émouvant qui renvoie au spectateur mille questions sur le temps qui passe, la vie, les enfants et l’amour.
Winter sleep – Nuri Bilge Ceylan (2014)
Une profonde épopée intime qui dissèque l’âme humaine avec acuité et s’inscrit dans la voie des classiques cinématographiques d’Ingmar Bergman et littéraires d’Anton Tchekhov. Cette monumentale fresque douloureuse à l’éblouissante mise en scène, servie par une écriture ciselée sur la condition humaine, le couple et le sens de la vie, chamboule notre vision du monde et la perception de notre existence. Une œuvre envoûtante dont la mélancolie s’immisce profondément en nous, jusqu’à l’écume de nos jours. Magistral.
Mommy – Xavier Dolan (2014)
Véritable chef-d’œuvre mélo pop et flamboyant qui embarque le spectateur dans un grand-huit émotionnellement inoubliable, porté par des comédiens fantastiques et lumineux (dont la révélation Antoine-Olivier Pilon). C’est un tsunami d’émotions qui submerge tout sur son passage. La mise en scène de Xavier Dolan est toujours virtuose, brillante et inventive, comme ce format qui enferme les personnages pour mieux rêver de les voir s’affranchir.
Trois souvenirs de ma jeunesse – Arnaud Desplechin (2015)
Avec Trois souvenirs de ma jeunesse, Arnaud Despleschin ose un cinéma très littéraire, droit dans les yeux et un rien décalé (parce qu’on ne parle plus comme ça aujourd’hui), évoquant avec grâce et humour nos amours enfuis, nos rêves d’avant et nos craintes à l’idée de se perdre soi-même. Il sublime les instants repensés, les jadis et les regrets, et les mélange aussi. Et puis il fait rayonner Quentin Dolmaire et Lou Roy-Lecollinet, espiègles et magnétiques, romantiques à la folie.
Elle – Paul Verhoeven (2016)
Elle entre dans cette catégorie indéfinissable de films aussi déconcertants que revigorants, témoins de la vitalité du cinéma et des heureuses prises de risque que peuvent encore prendre les auteurs. Paul Verhoeven nous émerveille ici par sa capacité à jongler avec toute la diversité des registres : policier, soap parodique, comédie bourgeoise à la française et marécage psychanalytique : toute la palette est convoquée pour une gigantesque catharsis.
Manchester by the sea – Kenneth Lonergan (2016)
Kenneth Lonergan façonne à sa façon la matière sensible du mélo pour en faire un magnifique bloc d’émotions, simple et pur. Construction intelligente, acteurs magnifiques, histoire bouleversante, le réalisateur britannique signe un mélodrame sans gras et à l’émotion juste. Un film à effusion lente sur le pardon, la douleur et la culpabilité sans une once de jugement, de morale ou de rédemption.
Moonlight – Barry Jenkins (2017)
S’il se base sur l’homosexualité de son personnage principal, Moonlight est d’abord une œuvre sur la construction de soi par le déni et la colère, et ce jusqu’à la rupture. Le film de Barry Jenkins frémit d’une sensibilité à fleur de peau portée par trois comédiens magnifiant chacun, à leur façon, les souffrances de Chiron, ce garçon qui croit savoir ce qu’il est et qui en a peur. Ce garçon face à la mer et qui nous regarde soudain, à la fin. Ce garçon bleu au clair de lune.
Burning – Lee Chang-Dong (2018)
Adaptant une nouvelle d’Haruki Murakami, Lee Chang-Dong poursuit quelques obsessions qui sont les siennes (le deuil, la douleur, la mémoire, le rapport au système) dans une forme toujours aussi ample (2h30, comme pour pratiquement chacun de ses films). Burning, contrairement aux promesses de son titre, est un film à combustion lente, presque neurasthénique, et dont l’intensité s’apprécie sur la durée.
Parasite – Bong Joon-ho (2019)
Immense cinéaste coréen, Bong Joon-ho s’ approche véritablement de la perfection avec Parasite, récompensé d’une Palme d’or à Cannes. On y trouve tout ce qu’un amateur de cinéma peut apprécier et ce qui fait aussi un grand film : mise en scène, jeu de acteurs, caractérisation des personnages, dialogues, travail sur l’espace et la temporalité, scénario diabolique et hautement jouissif… Avec tant de brio, on peut affirmer que Bong Joon-ho est désormais l’égal d’un Martin Scorsese ou d’un Quentin Tarantino, le discours politique en plus.
Les tops des rédacteurs :
Éric Debarnot
The Social Network – David Fincher
Gravity – Alfonso Cuarón
The Grand Budapest Hotel – Wes Anderson
Trois souvenirs de ma jeunesse – Arnaud Despleschin
Elle – Paul Verhoeven
Mademoiselle – Park Chan-Wook
Moonlight – Barry Jenkins
Burning – Lee Chang-Dong
Parasite – Bong Joon-ho
Joker – Todd Phillips
Michaël Pigé
Oslo, 31 août – Joachim Trier
Amore – Luca Guadagnino
Week-end – Andrew Haigh
Moonlight – Barry Jenkins
The witch – Robert Eggers
Valhalla rising – Nicolas Winding Refn
Trois souvenirs de ma jeunesse – Arnaud Desplechin
Two gates of sleep – Alistair Banks Griffin
For those in peril – Paul Wright
Under the skin – Jonathan Glazer
Sébastien Boully
Crosswind, la croisée des vents – Martti Helde
Interstellar – Christopher Nolan
Mommy – Xavier Dolan
The Grandsmaster – Wong Kar-wai
Roma – Alfonso Cuaron
Hostiles – Scott Cooper
The Revenant – Alejandro Gonzalez Inarritu
Winter Sleep – Nuri Bilge Ceylan
Le Cheval de Turin – Béla Tarr
The Social Network – David Fincher
Benoit Richard
Boyhood – Richard Linklater
Leviathan – Andrey Zvyagintsev
Zero Dark Thirty – Kathryn Bigelow
Une séparation – Asghar Farhadi
The Grand Budapest Hotel – Wes Anderson
Take Shelter – Jeff Nichols
Le Loup de Wall Street – Mrtin Scorsese
Parasite – Joon-ho Bong
Manchester by the Sea – Kenneth Lonergan
Harmonium – Kôji Fukada
Sergent Pepper
Portrait de la jeune fille en feu – Céline Sciamma
Winter Sleep – Nuri Bilge Ceylan
La Vie d’Adèle : chapitres 1 et 2 – Abdellatif Kechiche
Parasite – Bong Joon-ho
Blade Runner 2049 – Denis Villeneuve
Réalité – Quentin Dupieux
Elle – Paul Verhoeven
Under the Skin – Jonathan Glazer
Her – Spike Jonze
Carré 35 – Éric Caravaca
Jean-François Lahorgue
Incendies – Denis Villeneuve
Parasite – Bong Joon-ho
La vie d’Adèle – Abdellatif Kechiche
Vice-versa – Pete Docter
Boyhood – Richard Lintaker
Mommy – Xavier Dolan
Joker – Todd Philips
Burning – Lee Chang-Dong
Mad Max : Fury Road – George Miller
Manchester by the sea – Kenneth Lonergan
Greg Bod
Take Shelter – Jeff Nichols
Mud – Jeff Nichols
Manchester by the Sea – Kenneth Lonergan
Oslo, 31 août – Joachim Trier
Elle – Paul Verhoeven
Burning – Lee Chang-Dong
Parasite – Bong Joon-ho
Boyhood – Richard Linklater
J’ai rencontré le diable – Kim Jee-Woon
Vice-versa – Pete Docter
Denis Zorgniotti
Under the Skin – Jonathan Glazer
Animal Kingdom – David Michod
Rêves d’or – Diego Quemada-dias
Poetry – Lee Chang-Dong
Burning – Lee Chang-Dong
La Taupe – Tomas Alfredson
Une séparation – Asghar Farhani
Elle – Paul Verhoeven
Tel père, tel fils – Kore-Eda Hirokazu
Un Monstre à mille têtes – Roberto Pla