Réjouissez-vous, le Charles Burns nouveau est arrivé ! Une fois encore, il semble décidé à hanter vos nuits avec ses labyrinthes psychiques et ses monstruosités lynchiennes. Pour votre plus grand plaisir.
Cinq ans après sa brillante trilogie « intoxicante », Charles Burns revient en force avec cette nouvelle série, où comme à son habitude, il part explorer les tréfonds les plus obscurs de l’âme humaine. Le trait Et comme à son habitude, l’auteur de Black Hole fera naître plus de questions qu’il n’apportera de réponses au grand mystère de la vie.
De manière peu surprenante, Dédales, avec sa mystérieuse couverture qui nous tourne le dos, raconte une histoire entre rêve et réalité, où le surréalisme des situations s’entrechoque avec le réalisme du trait. Encore une fois, Burns dépeint le quotidien ordinaire d’adolescents ordinaires où l’onirisme, faisant irruption sans crier gare, produit une atmosphère étrange et inquiétante. Le personnage principal, Brian, un garçon timide et solitaire, semble se complaire dans un univers fictif. Mal à l’aise face aux avances de sa copine Laurie, mal à l’aise dans les fêtes organisées par ses amis, le jeune homme préfère se réfugier dans ses propres obsessions, à travers sa passion du cinéma de science-fiction et du dessin (le double de l’auteur ?). C’est d’ailleurs un film, Invasion of the Body Snatchers (L’Invasion des profanateurs de sépulture, de Don Siegel), où il est question d’entités extraterrestres infiltrant le corps des humains, qui va servir de fil rouge au récit et inspirer Brian dans son art. Bien au-delà d’un quotidien trivial, ses obsessions de weirdo nous questionnent sur nos origines, avec cette image forte qui imprègne l’histoire, issue des dessins du jeune homme : une sorte de cerveau (celui de Burns ?) muni de tentacules et se déplaçant doucement dans les airs telle une montgolfière…
N’imaginez pas Charles Burns va vous donner les explications pour une lecture accessible du récit, ce serait mal le connaître ! Américain sur la forme mais européen sur le fond, l’auteur se contente de distiller au fil des pages de rares indices, qui ne font qu’amener de nouvelles interrogations. Un cauchemar horripilant pour le lecteur avide de réponses prémâchées… et pour les autres, forcément subjugués, non seulement par l’histoire mais par ce trait toujours aussi envoûtant et ces magnifiques ombres et lumières, si caractéristiques, surnage un seul désir : s’enfoncer plus profondément dans ces Dédales. Vivement la suite…
Laurent Proudhon