Grand cru musical que cette année 2019, avec tout en haut : Nick Cave, Tyler The Creator, Michael Kiwanuka, Vampire Weekend, Aldous Harding, Leonard Cohen, Kompromat, Pan American, Fontaines DC. et Jérôme Minière.
Cette habitude des Tops offre une possibilité pour la mémoire de fixer des instants de plaisir comme des fragrances, une identité propre et unique auxquelles on se référera à l’avenir.
Unique, 2019 l’a été sans avoir à rougir face à 2016 le meilleur cru de ces 10 ans. Ce fut un cru riche en émotions. Prenez le sublime et douloureux Ghosteen, peut-être le meilleur album d’un Nick Cave qui transcende le simple hommage à son fils disparu, Tyler The Creator qui explose sur Igor les codes d’un genre (Le Hip Hop) pour inventer un univers hybride. Prenez cette certitude confirmée une fois encore d’être face à un grand, peut-être un génie avec Kiwanuka, génial troisième album du britannique Michael Kiwanuka. Prenez le meilleur disque de Pop de l’année avec le retour inespéré de Vampire Weekend ou encore le talent fantasque de la révélation des années 2010, à savoir Aldous Harding. Prenez également ce sentiment mêlé de regrets et d’admiration face à un auteur disparu qui avait encore tant à nous dire, merci Leonard Cohen et Thanks for the dance. Prenez Rebeka Warrior et Vitalic qui sous le nom de Kompromat raniment sans geste passéiste l’EBM belge.
Prenez le vétéran Mark Nelson alias Pan American (ex Labradford) touché par la grâce sur l’évanescent mais habité A Son. Benzine Magazine, qui n’est jamais avare en paradoxes, place dans ce top 10 Dogrel des irlandais de Fontaines D.C., un disque qui a divisé la rédaction, pour les uns un immense album de Post-Punk rageur et lettré, pour d’autres, une honnête production de seconde catégorie. Côté français, prenez Jérôme Minière qui signe avec Une Clairière une analyse cruelle et lucide de notre temps.
Et si 2019 avait été une année en clair-obscur, comme une forme de transition entre deux ères ? L’année finale d’une décennie n’est jamais anodine, 2019 le prouve encore !
1. Nick Cave & the Bad Seeds – Ghosteen
Les grands disques sont toujours ceux qui naissent de ces instants qui font les avants et les après. Ghosteen, le dix-septième album de Nick Cave And The Bad Seeds est de ceux-là. Minimal dans son approche, Ghosteen n’appuie jamais le trait d’une émotion pure. Sans doute que la tonalité de ce disque trouve son inspiration sur Skeleton Tree, où Nick Cave conviait au chant sur Distant Sky la soprano Else Torp, plus connue pour son répertoire contemporain, les œuvres d’Arvo Pärt en particulier. Le violon de Warren Ellis est moins présent ce qui ne l’empêche pas de créer des textures brumeuses et inquiétantes.
2. Tyler, The Creator – IGOR
Tyler, The Creator avait prévenu : cet album n’est pas un album de rap comme les autres. Il est bien mieux que cela ! Il est d’abord la confirmation du génie créatif de ce producteur Californien qui ne cesse de prouver qu’il fait partie du gratin depuis bientôt presque 10 ans. IGOR, album concept autour d’une histoire d’amour qui finit mal, met en avant un travail de compositeur, d’arrangeur capable sur chaque titre d’associer des beats variés à des samples gourmands tendance West Coast 70’s, sur de mélodies pop irrésistibles qui auront vite fait de trouver leur place dans un coin de votre tête pour un bon moment. Un disque à la fois mainstream et très ambitieux.
3. Michael Kiwanuka – Kiwanuka
Avec ce troisième album, Michael Kiwanuka donne une amplitude plus grande à sa musique, proposant des arrangements (chœurs et cordes) époustouflants de beauté, de poésie et de profondeur (Piano Joint (This Kind of Love)). On entendra aussi des riffs de guitare rock (hero) parfaits mais aussi des accents Morriconiens (Hard To Day Goodbye) rendant son style moins lisible, plus surprenant, plus aérien avec par moment une forme d’épure bluffante (Solid Ground). Ici, plus proche d’un Isaac Hayes que d’un James Brown, Michael Kiwanuka signe là son plus bel album et sans doute la plus belle production du genre en 2019.
4. Vampire Weekend – Father of the Bride
La première qualité de cet album réside sans doute dans le fait qu’on n’en fera pas le tour en moins de trois ou quatre écoutes minimum. Une bonne nouvelle à l’époque de la musique jetable. Vampire Weekend propose ici une Pop légère et mélodieuse qui se décline avec des tas de nuances sur des titres qui rappelleront par moment les albums aux influences africaines d’un Paul Simon dont la voix se rapproche toujours autant de celle de Ezra Koenig. Arrangé autour de cordes, chœurs, cuivres et claviers, Father of the Bride,se révélera au final être un véritable enchantement tant pour l’âme que pour l’oreille avec ses chansons à la fois sophistiquées, gracieuses et très directes. Inusable !
5. Aldous Harding – Designer
Le pire compliment qu’on puisse faire à Aldous Harding, jeune néo-zélandaise qui en est déjà avec Designer à son troisième album, c’est de dire d’elle qu’elle fait partie des voix les plus passionnantes du moment de la folk : ce serait là réduire sa musique tellement singulière à une sorte de cliché qu’elle dépasse formidablement dans cet album magnifiquement produit par John Parish, qui réalise des merveilles d’équilibre en construisant une atmosphère à la fois dramatique et subtilement diaphane. Un album fait pour durer.
6. Leonard Cohen – Thanks For The Dance
Pour ceux qui, comme certains d’entre nous, avaient déploré que le « dernier Cohen » avant sa disparition souffre de connotations religieuses pesantes, la grande nouvelle de Thanks for the Dance, qui se classe d’emblée parmi les chefs d’oeuvre de sa longue carrière, c’est que ses derniers textes marquaient un retour splendide vers les forces de Vie : amour, sexe, mais aussi politique, Thanks for the Dance est un album qui célèbre la lumière, une dernière fois avant l’obscurité.
7. Kompromat – Traum und Existenz
Sur le papier, le concept paraissait saugrenu : notre chouchou français Vitalic s’acoquinait avec la chanteuse de Sexy Sushi pour un hommage à la techno berlinoise… bon. Au final, cet album devient le projet électronique le plus excitant de l’année : on s’échappe vite des dancefloors du Berghain pour s’aventurer dans les méandres d’une électro-dark audacieuse, à la fois dansante et extatique, où la langue allemande devient séduisante, les rythmes martiaux divins et l’énergie digitale sensuelle et ravageuse. En un mot : génial.
8. Pan American – A Son
On peut avoir fait partie de Labradford, groupe majeur de la même envergure que Talk Talk et continuer de sortir de sa zone de confort à chaque disque. A Son, le nouveau chapitre de l’histoire entamée par Mark Nelson en 1997, s’avère bien plus acoustique dans son approche que les derniers disques de Pan American dans des ambiances voisines de Quiet City (2004), un Americana de l’intime où les grands espaces sont bannis au profit de l’infiniment petit. Pas sûr que ce grand disque rencontre un large public. Pourtant, on est vite happés par la grâce qui irradie de ces 9 plages contemplatives.
9. Fontaines D.C. – Dogrel
Ici et là, on a entendu le retour d’une Irlande rock et furibarde, un revival post-punk inespéré, la nouvelle sensation pour pogos endiablés dans les festivals à bière… peu importe : le groupe dublinois allumé déboule sur la scène rock internationale de bien belle manière, et signe l’album qui aura fait secouer l’Europe entière dans tous les sens avec des titres fougueux, punky, qui sentent un peu la sueur et le crachat : en cette fin de décennie froide et inquiétante, le bon défouloir musical, à hurler sans modération.
10. Jérôme Minière – Une Clairière
Et si on était un peu passé à côté de Jérôme Minière ? Une Clairière devrait rebattre les cartes pour le Français. Au même titre que L’Imprudence, Remué ou le triple album de Mendelson, Une Clairière fera date car il fait sens, évoluant entre une dissection lucide de nos rapports au virtuel dans une analyse houellebecquienne et des interrogations presque politiques sur notre société capitaliste. Musicalement, le disque se fait versatile piochant chez le Gainsbourg de Requiem Pour un con, dérivant entre spoken word et chant, hésitant entre sécheresse et ouverture.
Les Top album 2019 des rédacteurs :
Eric Debarnot
Nick Cave & the Bad Seeds – Ghosteen
Leonard Cohen – Thank you for the Dance
Lana del Rey – NFR
Stefan Eicher – Homeless Songs
Gliz – Cydalima
Aldous Harding – Designer
Kishi Bashi – Omoiyari
Pixies – Beneath the Eyrie
Purple Mountains – Purple Mountains
Vampire Weekend – Father of the Bride
Benoit Richard
Tyler, The Creator – IGOR
Olivier Marguerit – À TERRE !
Sean O’Hagan – Radum Calls, Radum Calls
Pan American – A Son
Michael Kiwanuka – KIWANUKA
Thom Yorke – ANIMA
Damien Jurado – In the Shape of a Storm
Aldous Harding – Designer
Astrid – A Porthole (I)
Balthazar – Fever
Greg Bod
1 Jérôme Minière – Une Clairière
2 Efterklang – Altid Sammen
3 Pan American – A Son
4 David Chalmin – La terre Invisible
5 Nick Cave And The Bad Seeds – Ghosteen
6 Jean-Louis Bergère – Ce Qui Demeure
7 Garden With Lips – Pelissandre
8 Belle Arché Lou – Radel
9 Studio Electrophonique – Buxton Palace Hotel
10 Watine – Géométries Sous-Cutanées
11 Imagho – soleil
12.Saigon Would Be Seoul – Everywhere Else Left Behind
13.Tindersticks – Not Treasure But Hope
14.Leonard Cohen – Thanks For The Dance
15.Centredumonde – Tigre Avec Etats D’Ame
16.Swans – Leaving Meaning
17.Emily Jane White – Imminent Fire
18.Bill Pritchard & Frederic Lo – Rendez-Vous Streets
19.Hammock – Silencio
20.Lambchop – This (is What I Wanted to Tell You)
Jean-François Lahorgue
1. Sharon Van Etten – Remind me tomorrow
2. Hot Chip – A Bath full of Ecstasy
3. Nick Cave & the Bad Seeds – Ghosteen
4. Michael Kiwanuka – Kiwanuka
5. Studio Electrophonique – Buxton Palace Hotel
6. Billie Ellish – When We All Fall Asleep, Where Do We Go?
7. Fontaines DC. – Dogrel
8. Agoria – Drift
9. Tyler, The Creator – IGOR
10. Kompromat – Traum und existenz
Marmillot Mathieu
1. Kompromat – Traum und Existenz
2. Frustration – So Cold Streams
3. Ebrtracte twist – Entracte Twist
4. Joseph Fisher – Chemin Vert
5. Novel – AB
6. Sleaford Mods – Eton Alive
7. Proper Ornaments – Six Lenins
8. Mattiel – Satis Factory
9. Fontaines D.C. – Dogrel
10. New Orde r+ Lima Gillick – ∑(No,12k,Lg,17Mif) So It Goes
Willy Kokolo
Kinkajous – hidden lines
Tyler the creator – IGOR
Jamila Woods – LEGACY LEGACY
Alfa Mist – Structuralism
James Blake – Assume Form
Anderson.Paak – Ventura
Snarky Puppy – Immigrance
Swindle – no more normal
Lion Babe – cosmic wind
Marquis Hill – love tape