Si le nom de l’australien Luke Howard ne vous dit pas grand chose, les choses devraient changer pour ce musicien néo-classique qui a pas mal de spectres musicaux à défendre comme ce superbe The Sand That Ate The Sea.
C’est vrai que le marché très en vogue de la musique néo-classique est pour le moins encombré. On ne compte plus le nombre de disques de piano solo, certains pour le moins dispensables, d’autres comme des ersatz de Richter, Max et non Sviatoslav, d’Olafur Arnalds et d’une école islandaise. Rare est de rencontrer un artiste aux variations multiples, touchant aussi bien aux œuvres chorales qu’au seul piano ou au travail avec un grand orchestre.
Luke Howard (déjà chroniqué en ces pages pour Forgotten Postcards) est de ceux-là, une catégorie rare de musicien qu’il sera bien difficile de cloisonner dans une seule case. Il revient en 2019 avec une B.O pour un film du même nom par le réalisateur Matthew Thorne sur une ville minière, la petite cité d’Andamooka dans le sud de l’Australie qui vit autour et par l’extraction d’opale. On est en droit de craindre le pire quand on entend le terme de musique de film car ce genre cerné par des codes restrictifs peut étouffer une créativité. Ici le thème récurrent nécessaire, là le contrepoint dramatique. Autant de choses prévisibles et finalement assez convenues. Même le « maître » Max Richter s’y égare parfois un peu n’échappant à quelques mauvaises recettes.
Une musique de film peut-elle vivre séparément des images qu’elle est censée accompagner ? La question ne se pose plus et en même temps, elle le devrait. Prenons l’exemple de Midsommar, ce film d’horreur d’Ari Aster qui a fait son petit effet, il est accompagné d’une musique omniprésente composée par Bobby Krlic de The Haxan Cloak, passionnante dans une salle obscure mais plutôt éreintante séparée de ses images
The Sand That Ate The Sea évite tous les pièges ou plutôt tire de tous ces écueils des atouts majeurs pour en extraire sa force. Ce disque est à prendre comme un mouvement unique qui se déploie dans un nuancier de pièces romantiques, parfois à la limite du drone ou du chant choral. Luke Howard se plait à diffuser une certaine versatilité dans sa musique qui ne fait que la rendre que plus imprévisible. On pourrait citer Debussy mais aussi Fauré voire parfois l’Ulver d’Eos (All Around Us Is Dirt). On pensera parfois à Edvard Grieg qui se plaisait à contrefaire les folklores des pays du Nord, on retrouvera cette tension dramatique d’un Edward Elgar, d’un Ralph Vaughan Williams ou d’un Alan Hovahness.
Car même si Luke Howard a aussi un répertoire jazz, sa musique néo-classique a peu à voir avec les codes du genre qui pioche parfois dans la musique électronique ou la Pop. Ses références sont à chercher du côté des compositeurs du 19e siècle ou du 20e siècle débutant. Certains reprochent parfois au néoclassique de n’avoir de néoclassique et sa simplicité un peu foireuse, son refus de la virtuosité. La musique de Luke Howard est savante sans être prétentieuse, forte sans être intimidante. Un grand disque édité à la fin de l’été dernier qui méritait un rattrapage.