Pas forcément meilleure que la première saison, cette seconde tournée de Killing Eve confirme aussi bien l’originalité que les faiblesse de cette série très addictive.
Au départ, il y a notre emballement pour Fleabag qui nous a fait aborder avec sans doute trop d’enthousiasme Killing Eve, la création suivante de Phoebe Waller-Bridge, et ce d’autant qu’un démarrage sur les chapeaux de roue de la première saison laissait présager un savoureux jeu de chat et souris entre une flic maladroite et une tueuse à gages psychopathe et déjantée : de l’humour noir bien serré, mais dilué dans un délire fantaisiste, avec une touche de saphisme – certes un peu « tendance » -, voilà une bonne recette pour une série menée tambour battant et portée par des acteurs se détectant de sur-jouer en permanence les comportements absurdes de personnages à la limite du burlesque…
Malheureusement, faute d’une écriture rigoureuse (peut-être une impossibilité pour le dilettantisme de Waller-Bridge), et d’une mise en scène au cordeau, on aura cessé peu à peu, au fil de la première saison, de croire à ce ballet absurde de personnages décalés, enchaînant ses situations improbables…
…et puis bon, malgré la semi-déception de la première saison, nous nous sommes laissé tenter par une seconde saison des aventures policières et homo-érotiques (enfin, avec un peu d’exagération, sur le coup, là…) d’Eve Polastri et de Villanelle. Avec moins d’illusions puisque nous avions admis que l’approche choisie pour « Killing Eve » s’apparenterait davantage à un « ça passe ou ça casse » qu’à un travail d’orfèvre.
Et donc, nous remettons le couvert pour une suite dans la droite ligne de la première saison, qui raconte plus ou moins n’importe quoi, sans souci de cohérence narrative réelle, ni, et c’est plus grave, de réelle consistance des personnages, avec comme premier – et unique ? – objectif de nous offrir des scènes « jouissives », absurdement drôles ou bêtement cruelles. Un peu comme du sous-Tarantino si l’on y réfléchit bien : car où donc avons-nous appris à nous réjouir aussi ouvertement de voir une femme jetée sous un bus ou un tueur – superbement abject quand même – découpé à la hache ?
Bien sûr, le vrai intérêt de Killing Eve réside toujours dans le portrait, très réussi cliniquement parlant, d’une grande psychopathe, Villanelle, plutôt rondement interprétée par une Jodie Comer fascinante, qui conjugue superbement folie, brutalité et suprême intelligence. Elle rend le visionnage de la série totalement addictif, malgré la difficulté évidente d’habiter ainsi un récit erratique qui ne lui fait pas de cadeau : de victime d’un pervers qui l’enferme dans une sorte de maison de poupée kitsch à partenaire de jeux pervers d’un Mark Zuckerberg encore plus infect que le vrai, elle arrive à faire vivre son personnage et à nous faire comprendre, vivre même sa vacuité et ses fractures.
https://www.youtube.com/watch?v=b5pf3EtRw1o
C’est donc, malheureusement, comme dans la première saison, le cœur amoureux du récit, cette passion inexprimable entre ces deux femmes que tout oppose, qui flanche le plus régulièrement… Sandra Oh est juste quand elle exprime la peur panique d’une femme dont la vie bascule radicalement, et qui ne peut s’empêcher d’être attirée par tout ce qui va détruire son existence : son métier, son couple, et surtout tout ce qu’elle sait d’elle-même se trouve remis en question par l’irruption de la passion. C’est sans doute plutôt l’alchimie entre les deux actrices, absolument présupposée par un scénario qui en fait la pierre de faite de l’édifice Killing Eve tout entier, qui ne fonctionne pas, et décrédibilise encore plus la série que son « manque de sérieux » en tant que thriller d’espionnage.
Et c’est aussi ce qui fait que les scénaristes ne peuvent boucler cette seconde saison qu’en répétant le même « truc » que pour la première : puisque le Sexe est impossible, il ne reste qu’à montrer la Mort. C’est d’une facilité terriblement frustrante !
Eric Debarnot