Un père rêve que sa fille intègre le clan des élites qu’il n’a pas été capable d’intégrer. Pour cela, il est capable de transgresser l’éthique et les lois et règlements. Une satyre de la formation de nos élites actuelles.
Paul, chercheur peu scrupuleux, n’hésite pas à bidouiller un tantinet les résultats de ses expériences pour asseoir et même développer sa notoriété, et par la même ses revenus de chercheur en biologie. Il a une fille qu’il croit surdouée en décryptant des indicateurs peu évidents. Mais sa fille, élève moyenne d’une banale école de l’Est parisien ne peut pas réussir dans cette « école de merde », il faut qu’elle fréquente une fabrique à champions de la Rive gauche où elle aura les meilleurs enseignants et d’excellentes fréquentations. Une petite manipulation arrange vite la domiciliation de la jeune fille qui est aussi vite intégrée dans une excellente école qui la conduit tout droit au Lycée Henri IV, la Mecque des littéraires parisiens, où elle parvient à suivre avec l’aide d’un petit ami qui l’accompagne jusqu’en Khâgne.
Divers arrangements avec l’éthique et les règlements assurent à la jeune fille un parcours sans faute même s’il n’est pas des plus brillants et son père peut toujours rêver d’une carrière exemplaire pour elle. Il est prêt à tout, même à quelques écarts avec la morale et les lois et règlements, pour que ce parcours ne dévie en rien et installe la famille dans le gotha intellectuel de la capitale pour partager petits fours et champagne avec ceux qui détiennent le pouvoir, la gloire et l’argent qui va avec. Mais les mécaniques trop complexes supportent mal les grains de sable et le petit ami qui soutient la jeune fille dans ses études et dans son affirmation féminine se lasse de cette première expérience et commence à regarder ailleurs au grand dam de sa petite amie qui perd peu à peu le moral et le goût des études.
Le père qui ne conçoit pas que sa fille finisse comme une misérable prof dans un « collège de merde », élabore un stratagème compliqué et bien peu moral pour sauver l’idylle de sa fille et lui redonner courage et envie pour ses études. Cette combine foireuse ne résiste pas bien longtemps aux épreuves induites par l’agitation des hormones secouant les jeunes mâles et leurs partenaires potentielles. Elle éclate bien vite en éclaboussant violemment tout l’entourage des protagonistes de cette sinistre affaire devenue plus de mœurs que sociale ce qui entraîne des conséquences fâcheuses pour certains.
Philippe B. Grimbert (ne pas omettre le B. il y a un homonyme) dans une langue savoureuse, drôle, ironique, imagée, narquoise peint un portrait satyrique et sans concession de la classe parisienne qui s’est octroyé le pouvoir et la gloire par des pratiques pas toujours très recommandables. Ces élites qui se pensent importantes parce qu’elles sont vues et reconnues. Ces pères et ces mères qui comptent sur leurs enfants pour réaliser les rêves qu’ils n’ont pas été capables de concrétiser eux-mêmes. Il jette, en passant, un bon coup de griffe à l’Education Nationale bien peu républicaine qui élève ses futures élites comme dans légumes dans des serres avec tous les compléments nécessaires à un bon développement. Et pour finir, c’est toute notre société de consommation à outrance, à bout de souffle, qui s’effrite parce qu’un tout petit grain de sable a perturbé les galipettes de deux jeunes qui n’en étaient qu’à leur toute première expérience. Preuve que notre société est bien fragile et qu’elle ne tient plus que par le paraître. L’auteur a su rester sur le fil de l’humour et de la satyre sans sombrer dans une triste comédie comme les médias nous en offrent quotidiennement.
Denis Billamboz