Trois ans après Your Name, celui que beaucoup considèrent comme le nouveau maître de l’Anime, Makoto Shinkai, revient avec un film maladroit et décevant. Mais indiscutablement très beau…
La découverte, début 2017, du Your Name du même Makoto Shinkai nous avait conduit, nous qui ne sommes pas forcément experts de l’Anime, à nous intéresser à cet auteur singulier, dont le film regorgeait littéralement de moments enchantés, et de concepts stimulants, ce qui nous permettait de passer outre un certain nombre de scories jugées comme rebutantes par nombre de spectateurs : une tendance à la niaiserie sentimentale et un abus de chansons de variété japonaise assez écœurantes… qui n’arrivaient pas à gâcher le plaisir intense procuré par le film…
Le problème des Enfants du Temps, malheureusement, c’est que les mêmes défauts sont toujours là, avec en plus des moments réellement embarrassants de rires idiots liés à l’éveil a sexualité chez les personnages adolescents, mais que les qualités sont nettement moins convaincantes. Au point que si l’on avait à lister les points forts du film, on serait bien en peine d’en trouver au-delà de l’esthétique époustouflante du film…
Car esthétiquement, les Enfants du Temps (traduction française particulièrement maladroite, puisque le film parle d’adolescents arrivant à l’âge adulte, et que le Temps dont on parle ici est celui qu’il fait, et non celui qui passe…), est absolument superbe, arrivant à recréer presque de manière magique les sentiments que nous ressentons tous devant une pluie battante, un ciel menaçant ou un rayon de soleil qui perce les nuages. Avec en plus un beau travail sonore – si l’on excepte bien sûr les atroces chansons qui gâchent régulièrement notre plaisir -, et avec des effets 3D qui restent la plupart du temps assez bien utilisés pour ne pas gâcher la superbe élégance du graphisme « traditionnel », on n’est pas loin de ce que l’animation mondiale peut nous offrir de plus exquis, de plus délicat… Confirmant en passant la supériorité esthétique écrasante de l’Anime à la Japonaise sur la technologie perfectionniste américaine…
Le problème de Weathering With You (allez, on va s’en tenir au titre international, bien meilleur !) est absolument tout le reste : avant tout un scénario qui reprend à la lettre le déroulé de celui de Your Name, mais qui enchaîne des situations improbables et, pire encore, s’avère franchement inintéressant, malgré un effort de redressement aux trois quarts de l’histoire… ne débouchant malheureusement que sur une fin en forme de cliché lourdaud d’une naïveté confondante… Ensuite des personnages largement stéréotypés, dont les réactions répondent à la fois aux codes les plus convenus du manga et de l’anime, et aux attentes – du moins on l’imagine – des adolescents en pleine crise de puberté. Et enfin, et c’est plus grave, une impuissance à traiter correctement le thème pourtant puissant – et si actuel – du dérèglement climatique et de ses conséquences potentiellement apocalyptiques pour la société.
https://www.youtube.com/watch?v=zcR-480HmyA
Car c’est finalement bien sur ce point-là que Shinkai se tire une balle dans le pied : d’une certaine manière, en dédouanant ses héros de leur responsabilité sur les changements climatiques (« ce n’est pas de ta faute » est une des dernières phrases du film, ou encore « avant l’arrivée de l’homme, la Nature était comme ça » !), et en minimisant l’impact du dérèglement sur l’avenir des personnages (là encore, les derniers dialogues font état que, de toute manière, « on sera heureux… »), Shinkai semble adhérer aux opinions les plus rétrogrades actuelles. Ce n’est probablement pas là le fond de sa pensée, accordons-lui le bénéfice du doute, mais c’est tout de même diablement maladroit quand son film avait le potentiel d’être un cri d’alarme à l’intention de la jeunesse…
Il est évidemment douloureux de ne pas pouvoir défendre une œuvre d’un artiste aussi important que Shinkai, mais plus encore de ne pas être arrivés pendant près de deux heures à jamais dépasser la simple fascination un peu engourdie devant de très belles images…
Eric Debarnot
Bonjour,
Après lecture de votre critique, je pense que votre interprétation du message que Shinkai n’est pas celle qu’il a voulu passer.
En effet, son message n’est pas explicite mais différentes interprétations peuvent en découler.
Ici, je pense notamment au fait que pour Shinkai, l’écologie est un problème majeur de notre société et ces dernières années nous en prenons de plus en plus conscience.
D’ailleurs, il annonce également lors des nombreuses interviews que son film, Tenki no Ko, est publié en 2019 à cause de la situation actuelle, il ne pouvait la publier en 2016, date à laquelle l’importance écologique est grandissante mais pas autant qu’aujourd’hui ; plus tard, ce serait remettre a encore plus tard un problème à traiter d’une manière urgente.
Bref, tout ça pour dire que le message est en réalité que les adultes actuels de notre société (d’ailleurs, Suga en est la représentation..) se reposent sur leurs conforts actuels et ne veulent pas être face à la réalité et des conséquences de leurs actes.
Aujourd’hui, (dans le film) des adolescents de 15 et 16 ans doivent se sacrifier pour obtenir une stabilité qui n’est qu’éphémère.
Ainsi, une question se pose : est-il normal que des adolescents doivent se sacrifier pour le bien commun tandis que les adultes responsables, eux, décident et veulent de cette facilité ?
Sûrement pas.
Lié à un premier amour de jeunesse dont fait preuve Hodaka, il cherche avant tout à sauver celle qu’il aime et se dédouane d’une manière tout à fait normal de cette fatalité. D’ailleurs, l’attachement du personnage est d’autant plus belle suivant l’évolution à travers ce film.
Il est vrai cependant que certains points ne sont pas assez développés, je l’accorde comme par exemple le fait qu’il aurait pu pousser un peu plus sur le passé de chacun des personnages mais d’autres points que vous cités et critiqués ne sont pas justes.
Le stéréotype de l’enfant fugueur qui ne pense à rien est faux.
Vous n’avez pas fais assez attention au film malheureusement !
D’ailleurs les nombreuses critiques qui parlent d’une « longueur » au début, doit être présente pour vous également je présume (en dehors de l’impressionnante qualité visuelle du film).
En effet, comme Makoto Shinkai l’aura annoncé pour son film lors de sa venue pour l’avant première, le personnage d’Hodaka reflète une certaine image d’un adolescent qui justement se sent mal dans la société actuelle et ce pour diverses raisons :
D’une part, je ne suis expert mais là différence de culture est à noter et à prendre en compte.
Vous ne pouvez critiquer certains points sans même avoir compris compris le sens réel des choses derrières.
Les 20 premières minutes d’ailleurs montrent réellement à durete de la société japonaise comme il l’annonce lui même.
Un homme, ou même une adolescent peut tout à fait sentir le mal de la société et veuille le fuir pour diverses raisons.
D’ailleurs, lorsque Hodaka est assis près de poubelles à côté d’un LoveHotel, il comprend La dureté de la vie réelle mais annonce pourtant, « je ne veux pas rentrer, plus jamais… »
Ce qui montre que ses pensées étaient plus profonds dès le début.
De même, je tiens également à préciser ce point oublié.
En dehors de la beauté visuelle qui est réellement parfaite, Shinkaï dépeint également la ville de Tokyo et la réalité qui en découle.
Le train de vie la-bas y est étouffant.
Diverses réalités de la société tokyoïte et d’ailleurs partout dans le monde maintenant y est dépeint. On parle de trafics d’armes, de prostitution, la difficulté pour trouver un travail (Natsumi), l’atmosphère étouffante lié à Tokyo, Tokyo n’est pas une ville de rêve, comme partout ailleurs.
Un adolescent errant dans les rues est totalement ignoré par les habitants qui défilent encore et encore.
D’ailleurs, il s’agit totalement d’une Vraie réalité. Makoto shinkai lui même énonce qu’il a éprouvé ce sentiment lorsqu’il est arrivé pour la première fois à Tokyo.
Ainsi, le personnage principal juste stéréotypé ne l’est pas.
D’ailleurs, il est important à noter que la société japonaise est totalement différente de celle occidentale.
En effet, cette notion n’est pas présente chez nous mais au Japon, le rapport entre l’individu et la société est très importante.
(Je vous suggère de vous renseigner là dessus..)
Par exemple, la fraude et l’incivilité est peu présente puisque vous êtes constamment pris au regard des autres.
Le simple fait que vous serez réellement pointé du doigt par les autres citoyens fait que ces incivilités n’arrivent pas tandis qu’ici, peu importe je devrais dire.
Je pourrais développer encore grandement au sujet du film mais c’est déjà assez long.
Tout ça pour dire que le film est vraiment profond et se rattache beaucoup plus à l’an réalité bien qu’il s’agisse d’un film fictif.
Le rapport à ce film au Japon est bien plus profond qu’ici d’ailleurs.
En effet, cette année Tokyo et le Japon a été en proie à diverses catastrophes climatiques tels que des Typhons.
Le monde se dérègle et c’est très actuel
La peur que Tokyo soit un jour sous les eaux est une réalité.
Ainsi, Makoto Shinkai pousse à réfléchir à nouveau sur la question de la nature.
Doive t-on encore continuer à vivre comme ça et toujours se déresponsabiliser comme le suggère les adultes (qui sont responsables de tout ça)
Ou devons-nous assumer, comme Hodaka l’annonce à la fin. « Non c’est elle que j’ai choisi ! C’est la société que j’ai choisi ! »
Ainsi, il préfère vivre avec l’amour ce qui est totalement légitime et d’ailleurs vivre en harmonie avec la nature (d’ou les paroles que Tokyo était comme ça avant que vous avez cités).
Après me diriez vous, comment peut-il vivre et abandonner toute une société pour une fille qu’il a rencontré il y a 1 mois ?
Eh bien, ramenez-vous a vos souvenirs d’un premier amour et vous comprendrez ! ;)
Je pense que le film est réellement plus profond et vous n’avez malheureusement pas assez creusés dedans et vu que la partie « divertissement » qui est tout à fait légitime puisqu’il s’agit d’un Film de divertissement en premier lieu !
Bonjour Jaja,
Merci mille fois pour cette analyse détaillée et passionnante, qui jette une lumière différente sur un film qui suscite pas mal de débats. On reconnaît là un vrai passionné !
Cordialement
Eric