Il aurait sans doute fallu plus d’ambition et plus d’intelligence pour que Messiah puisse devenir une interrogation pertinente sur le besoin de croyance chez l’être humain. En l’état, cette série aux allures de thriller politique reste très agréable à suivre.
Il y avait une époque où la sagesse commune recommandait d’éviter à tout prix toute histoire dans laquelle Jésus apparaîtrait comme personnage : cette recommandation n’était pas (enfin, pas seulement…) dirigée contre la Bible, mais pointait avec lucidité la facilité que représentait l’utilisation d’un personnage du genre pour attirer le chaland et justifier à peu près n’importe quoi dans la fiction… Une recommandation bien oubliée, malheureusement, à notre époque où le sujet « religieux » est revenu en force dans nombre de sociétés…
Si l’on s’arrête malgré tout sur Messiah, la série de Michael Petroni, qui prétend nous narrer ni plus ni moins que le retour du « fils de Dieu » à notre époque à la fois froidement pragmatique (ici le point de vue de la CIA ou du Mossad…) et désespérément avide de foi (ici à peu près tout le reste des personnages…), c’est que l’inscription de « l’intervention divine » – passablement incohérente et obscure, comme il se doit – se fait au milieu de la poudrière du Moyen-Orient, puis, dans la seconde partie de la saison, dans l’Amérique hystérique de Dieu. De quoi, espère-t-on, jeter une lumière différente sur les terroristes islamistes comme sur les évangélistes télévisuels…
Et force est de reconnaître, avec un démarrage assez bluffant des premiers épisodes, que le pari est excitant : confronter l’entêtement des faits (qui dévoilent une pure et simple manipulation) au besoin de croyance (qui fait que chaque acte du Messie, aussi confus soit-il, peut être interprété comme preuve de sa divinité) est un sujet qui interpelle forcément, que l’on soit croyant ou au contraire furieusement athée. Sauf que pour que cela fonctionne, il faudrait plus d’ambition, et sans doute plus d’intelligence que celles que manifestent ici Michael Petroni et ses scénaristes : on n’échappera jamais aux pires lieux communs, et on ne ressentira jamais réellement un questionnement qui dépasse le cadre du simple thriller politique / d’espionnage.
Car, bien entendu, l’objectif de « Messiah » est avant tout de récupérer les téléspectateurs ayant déserté Homeland, en leur refilant la même soupe faite d’agente de la CIA légèrement problématique (Michelle Monaghan remplaçant donc Claire Danes, avec beaucoup moins d’expressivité), de conspirations politiques au sommet du pouvoir américain, d’attentats à la bombe, de coucheries injustifiées et peu justifiables, etc. Si l’on ajoute un certain nombre d’intrigues centrées sur des personnages secondaires guère palpitants, et soulevant des « sujets » qui n’en sont que pour l’Américain moyen (peut-on faire avorter sa fille teenager si l’on croit en Dieu ? le genre…), notre enthousiasme est vite douché… jusqu’à, comme il se doit, une conclusion qui ne manque pas d’énergie : la « raison » politique et la logique rationnelle l’emportent finalement, sauf que… coup de théâtre final, que nous en révélerons pas ici !
On aurait bien vu la série se terminer ainsi, suspendue, et se passer d’une seconde saison, dont on ne voit pas très bien ce qu’elle pourrait apporter, sauf plus de la même chose. Pourtant, il est difficile de condamner complètement ce Messiah, d’abord parce qu’il nous aura quand même réservé quelques jolis moments dans sa première et sa dernière partie, et ensuite parce qu’il est régulièrement sauvé par la présence étonnamment magnétique de Mehdi Dehbi, qui constitue sans aucun doute la meilleure raison de le regarder.
Eric Debarnot