Et si nous partagions un instant précieux avec les américains de The Innocence Mission à la faveur de la sortie de leur onzième disque studio, See You Tomorrow. Echange en deux temps avec Karen et Don Peris, dont voici la première partie.
Tenter l’exercice de l’interview, c’est toujours quelque part tenter de dépasser le simple constat du questions/réponses, tendre vers quelque chose qui ressemblerait plus à une conversation, à un instant d’intimité partagé avec un inconnu. Tout cela relève de l’idéal bien sûr. Les moments précieux sont rares dans cet espace formaté de l’interview, on recueille le plus souvent les propos préparés et bien peu spontanés d’artistes strictement dirigés par leur envie de promouvoir (à juste titre) leur musique. Avec les américains de The Innocence Mission, c’est finalement plus cueillir leurs paroles dont il s’agira ici. Karen et Don Peris, couple à la vie comme à la scène, en grands timides qu’ils sont sûrement pèsent chacun de leurs mots. Skype, aussi virtuel et aussi froid soit-il, ne parvient pas à laisser s’éteindre ce sentiment d’intimité qui s’installe dans ce dialogue avec un groupe dont le travail reste encore bien trop méconnu.
Benzine : The Innocence Mission est né au début des années 80. See You Tomorrow est votre onzième album. Comment expliquez-vous que votre musique soit si confidentielle en Europe ? Est-elle si identitairement américaine ?
Karen Peris : C’est très difficile pour nous de prendre du recul et d’analyser la situation. Je sais bien que notre musique est finalement assez peu connue en Europe. Pour autant, je ne pense pas que l’on soit avec The Innocence Mission si représentatif de la culture américaine, comme d’autres groupes américains, on se situe un peu à la marge du courant actuel Pop, on n’est clairement pas représentatif d’une scène américaine actuelle.
Cela veut dire quoi l’innocence pour vous The Innocence Mission ?
Karen Peris : Pour moi l’innocence est directement associée à une recherche de pureté dans l’art mais aussi dans l’intention. Ce nom m’a été inspiré par la lecture des œuvres de la poétesse Annie Dillard et en particulier ses essais romancés, j’ai également retenu de ces lectures-là cette idée que l’art c’est partir à la recherche de cette pureté originelle qui est en nous que l’on soit enfant ou adulte et qui ne peut nous être enlevée. L’art et la création permettent de conserver cette ouverture, cette réceptivité à ce qui passe
Joni Mitchell vous repère avec l’ep Tending the Rose Garden en 1986 . Vous collaborerez d’ailleurs plus tard avec elle sur son disque Night Ride Home en 1991. Elle vous fait rencontrer son producteur de mari, Larry Klein qui se charge de la production de votre premier disque Qu’a-t-elle trouvé en vous ?
Karen Peris : Ce n’est pas tout à fait comme cela que cela s’est passé. Quand nous avons signé avec le label A& M Records, ils nous ont proposé d’enregistrer le disque à Los Angeles avec Larry Klein comme producteur, on a fait ces trois disques ensemble, on travaillait souvent avec Larry chez lui et c’est comme ça que naturellement nous avons rencontré Joni. Ils ont été adorables avec nous, on débutait à cette période-là et ils nous ont encouragé, Joni en particulier à continuer à travailler cette veine d’écriture et ces petits moments du quotidien. Au départ quand je l’ai rencontré, c’était très intimidant mais elle m’a surtout impressionné par son ouverture et son humilité, j’ai beaucoup appris de Joni dans ces moments-là, c’était vraiment un cadeau que de pouvoir la côtoyer ainsi.
Que vous a-t-elle apporté comme instrumentiste à chacun d’entre vous ?
Don Peris : Elle est très inspirante. On a été totalement indépendant dans notre processus de création sur ces trois albums mais indirectement, elle a fortement influencé ces disques par ses conseils et puis nous adorions la musique de Joni bien avant de la rencontrer. Toutes les périodes de sa carrière m’ont tellement inspirées et m’inspirent encore dans mon jeu de guitariste et dans ma manière de vivre la musique. J’aime en particulier sa période européenne, la couleur et le son de ses arrangements, de ses accords. Ses paroles sont singulières, à la fois belles et étranges.
Karen Peris : Both Sides Now est le premier disque que je me suis appropriée totalement alors que j’étais toute jeune, 5 ans. C’est le premier souvenir qui me vient quand je parle de musique, c’est la première fois où je pouvais parler de ma chanson favorite et c’était une chanson de Joni. La première fois que j’ai entendu une chanson de Joni Mitchell, je ne savais même pas que c’était une chanson d’elle car j’ai découvert son travail à travers une reprise de Both Sides Now par Judy Collins. C’est la première fois de ma vie que j’ai eu cette sensation que l’on a tous un jour, que cette chanson s’adressait à moi, que c’était ma chanson.
On parle souvent de l’influence des lieux sur la musique d’un artiste. Cela semble tellement évident pour The Innocence Mission avec ces références aux paysages, à la faune. Qu’apporte votre ville de Lancaster en Pennsylvanie à votre musique ?
Karen Peris : Lancaster c’est une petite ville cernée par les arbres, j’adore les arbres depuis toujours. A l’échelle des Etats-Unis, c’est une ville assez ancienne avec de vieilles bâtisses à l’architecture magnifique. Directement à la sortie de la vie, on rencontre beaucoup de terres agricoles, je me rappelle l’année dernière, des amis d’Irlande sont venus à Lancaster et ils ont été surpris comme ô combien les paysages d’ici leur faisaient penser à l’Irlande. Ce que cela amène à notre musique, je ne sais pas trop. Je crois bien que le monde réel peut devenir une sorte de tremplin vers un passé disparu et de souvenirs, les paysages sont immédiatement connectés à des souvenirs et donc au passé. En plus chez nous, les saisons sont très marquées, cela crée une sorte de cycle naturel qui est très inspirant pour nos chansons, le passage des saisons se connecte naturellement également aux souvenirs d’une vie. Forcément l’environnement dans lequel on crée nos chansons influence et inspire nos chansons tant d’un point de vue musical qu’au niveau de mes textes. J’introduis souvent la notion de couleur dans mes chansons car je crois qu’il y a une évidente connexion entre les couleurs et la musique, il y a tellement de nuances de couleur dans la nature qu’elles ressemblent presqu’à des notes de musique, comme des nuances très fines. Prenez une forêt, une prairie, ce vert qui peut être éclatant ou passé.
Vos trois premiers disques, The Innocence Mission en 1989, Umbrella en 1991 et Glow en 1995 rappellent un peu le son des Cocteau Twins. Peut-on dire que The Innocence Mission ce serait un peu l’addition d’un son sixties pour le Folk et un certain sens de la mélancolie hérité des Eighties ?
Don Peris : Je me reconnais bien là-dedans (rires) Bien sûr, avec Karen, on aime des musiques de toutes ces décennies, des années 60, 70 et 80. Ce sont ces musiques-là avec lesquelles nous avons grandi et qui ont éduqué notre oreille, cela ne nous empêche pas d’écouter ce qui sort aujourd’hui. A l’époque des premiers disques de The Innocence Mission, il est indéniable que nous étions très fortement influencés par le travail des Cocteau Twins. Récemment, je me suis replongé dans leur discographie. Je n’ai jamais pu pointer ce qui me faisait adorer leur travail, sans doute à peu près tout. Peut-être plus particulièrement le jeu de guitare de Robin Guthrie souvent porté sur des accords majeurs. Ces lignes d’accord contiennent ce qu’il y a de plus beau dans la musique, ils sont joyeux, ils sont tristes, ils sont apaisés, ils contiennent tant de choses que je ne pourrai tout vous citer
Karen Peris : Bien sûr, je me retrouve également dans cette description et en particulier cette mélancolie héritée des Eighties. Toutefois, les chansons qui m’ont forgées dans les années 60 étaient toujours des chansons tristes. Cette mélancolie est chez moi presque double dans le sens qu’à l’écoute des chansons des Eighties, cela me renvoyait à ces autres chansons des années 60 qui piochaient dans la même mélancolie comme les chansons de Neil Young.
Quel regard portez-vous sur ces premiers disques et que conseilleriez-vous si vous le pouviez aux jeunes gens que vous étiez au moment de la composition de ces disques ?
Karen Peris : J’aurai beaucoup de choses à dire à cette Karen là. En premier, je me dirai sans doute d’attendre un peu, de laisser les chansons grandir et de ne pas enregistrer tout tout de suite, de travailler plus les compositions avant d’arriver en studio même si je ne regrette rien de notre collaboration avec Larry Klein. Travailler dans cet immense studio à Los Angeles cela a été une expérience extraordinaire pour nous mais peut-être trop grande pour le jeune groupe que nous étions alors. Je ne regrette rien ou si peu, on a adoré le processus d’enregistrement des disques sur cette période-là. Cela fait très longtemps que je ne les ai pas écoutés mais je suis à chaque fois embarrassée à l’écoute essentiellement par ce que je fais sur ces disques et pas ce que Don, Mike et Steve ont apporté. Je crois que le problème se situe dans mon écriture et mon chant. Je ne réussis pas vraiment à poser ma voix, je chante trop haut, cela sonne forcé et à force de vouloir sortir de moi, je ne reconnais même plus ma voix. Je crois que j’ai voulu ressembler à une autre chanteuse, à quelqu’un d’autre mais ce type de chant ne me convenait pas. J’aurai dû être plus authentique et spontanée dans mon chant surtout sur le premier album. Les compositions sont très faibles également dans leur écriture. Les erreurs de la jeunesse… (Rires) Après cette expérience, j’ai décidé de prendre mon temps pour écrire, de lire plus et surtout d’attendre pour laisser macérer mes compositions.
Vous dites souvent avoir trouvé votre son avec l’album Birds of My Neighborhood en 1999. Un album qui sera aussi votre dernière collaboration avec le batteur Steve Brown. Est-ce une coïncidence si précisément à ce moment-là votre son évolue vers quelque chose de plus acoustique et avec un travail sur votre voix totalement différent, Karen ? Cette évolution que l’on sent en germe sur Umbrella par exemple était-elle un processus naturel qui se serait passé de la même manière même si Steve Brown n’avait pas quitté le groupe ?
Karen Peris : Je crois que c’est une pure coïncidence car nous avions déjà la volonté avant son départ de faire évoluer notre son. On a continué à intégrer des parties de batteries dans nos disques, en particulier le jeu très subtil de Don . On est restés très proches de Steve. Cela n’avait rien à voir avec son départ. On commençait à écouter d’autres types de musique et on revenait finalement à la musique que nous écoutions quand nous étions plus jeunes. On a pris conscience également de l’importance de l’espace dans la musique. La découverte d’un groupe comme Talk Talk a été essentielle dans notre volonté de faire évoluer notre son, Laughing Stock en particulier a bouleversé notre manière de percevoir la musique. Il y a tellement d’espace dans leur musique qui parvient à capter l’émotion dans ce qu’elle a de plus infiniment petit. Ce qui me bouleverse dans la musique de Mark Hollis, c’est la beauté transparente de son écriture. Il y a bien sûr une dimension spirituelle dans ses compositions qui ne pouvait que nous toucher. Une chanson comme New Grass nous a beaucoup influencé par la beauté de son écriture et l’économie dans l’émotion.
Don Peris : La disparition de la batterie de nos compositions a imposé de soi la possibilité d’explorer plus d’espace dans notre musique. Ce que j’aime et ce que nous aimons dans la musique avec The Innocence Mission, c’est cet espace grand ouvert, ces silences, ces petites carences, ces espaces que l’auditeur peut remplir à sa guise. C’est aussi à partir de cette période que nous avons commencé à enregistrer nos disques à la maison sans pression, sans exigence et cela a totalement modifié notre son presque malgré nous. Pour revenir à Talk Talk, quand nous nous sommes intéressés à leur travail, nous étions nous-même dans une période de doute quant à notre travail et le destin de ce groupe qui a pu se métamorphoser d’un groupe de pop des années 80 à la façon de Roxy Music en une expression singulière et personnelle, ils ont voulu explorer des territoires où ils pouvaient être ce qu’ils étaient vraiment. Cela a été une belle leçon pour nous en tant que songwriter et en tant qu’artiste.
Sufjan Stevens qui vous a d’ailleurs repris (The Lakes Of Canada) et avec qui vous avez également collaboré parle de vos paroles comme d’une écriture économe, sensorielle, partant d’événements du quotidien. C’est sans doute de là que vous vient cette capacité à créer comme une conversation entre vous et l’auditeur comme vous le dites souvent en interview, il y a dans vos textes une grande présence de vos proches comme un journal intime et en même temps universel que vous égrèneriez. Chaque disque ressemble un peu à une photographie d’une période de votre vie, vous-reconnaissez-vous dans cette description ?
Karen Peris : C’est surtout un processus spontané qui vient comme cela. Chacun de nos disques ressemble finalement à un instantané du moment où nous les avons enregistrés. Ce sont des chansons qui peuvent vivre également individuellement dans leurs petits mondes en les connectant avec notre vie de tous les jours en laissant suffisamment d’espace et de liberté pour permettre à ceux qui nous écouteront de trouver leur chemin dans nos chansons et créer leurs propres connexions à l’intérieur de ces petits mondes.
En quoi la musique a-t-elle changé votre vie et votre rapport à la perception du monde ?
Don Peris : C’est une question très large qui implique une vaste réponse. Ma réponse n’en paraîtra que plus, tout petite mais c’est ma réalité, je donnerais sans doute une autre réponse si vous me posiez la même question à une autre période de ma vie car il y a tant de réponses à cette question, je suis très reconnaissant à je ne sais qui pour être ce que je suis, un musicien, je suis conscient et heureux d’avoir ce don, cette opportunité. Ce que j’entends par cela, c’est que de faire de la musique et de participer comme je le fais à un groupe, être quelqu’un qui crée de la musique mais aussi quelqu’un qui ne fait qu’en écouter. C’est une partie indissociable de ce que je suis en profondeur, cela m’a permis d’avoir le cœur plus ouvert, d’être plus sensible au monde qui m’entoure, à la beauté et l’étrangeté du monde. Parfois j’essaie d’imaginer le type d’homme que je serai sans la musique, j’espère que je serai un garçon sympa mais c’est vrai que la musique vous ouvre à une autre forme de perception du monde.
Parlons un peu des textes. Karen, Vous me faîtes penser au poète français Jules Supervielle qui souhaitait appuyer sur la pédale claire et la pédale sombre, en somme refuser une vision manichéenne du monde.
Le poète dispose de deux pédales, la claire lui permet d’aller jusqu’à la transparence, l’obscure va jusqu’à l’opacité. Je crois n’avoir que rarement appuyé sur la pédale obscure. Si je voile c’est naturellement et ce n’est là, je le voudrais, que le voile de la poésie. Le poète opère souvent à chaud dans les ténèbres mais l’opération à froid a aussi ses avantages. Elle nous permet des audaces plus grandes parce que plus lucides. Nous savons que nous n’aurons pas à en rougir un jour comme d’une ivresse passagère et de certains comportements que nous ne comprenons plus. J’ai d’autant plus besoin de cette lucidité que je suis naturellement obscur. Il n’est pas de poésie pour moi sans une certaine confusion au départ. Je tâche d’y mettre des lumières sans faire perdre sa vitalité à l’inconscient.
(Jules Supervielle)
Qu’en pensez-vous ?
Karen Peris : Ce que Supervielle dit sur l’embarras et la confusion que peuvent provoquer la poésie me parle beaucoup, j’ai également une interrogation assez proche sur le rapport à l’obscurité et la ligne claire dans mon travail d’écriture. J’aime beaucoup cette idée que le dialogue entre les humains est difficile mais que c’est par le travail sur les mots que l’on rentre en lien avec autrui. Je me reconnais aussi dans ce rapport au travail sans cesse répété, le fait de revenir sur chaque mot pour atteindre une forme de vérité. C’est un peu ce que je vis moi-même quand je compose et en particulier quand j’écris les textes des chansons de The Innocence Mission. C’est peut-être ce que Supervielle veut dire ou non mais peu importe c’est ce que je crois y entendre. J’ai moi-même beaucoup de mal à m’exprimer en public, Travailler les mots comme je le fais pour The Innocence Mission n’a rien de douloureux, au contraire, c’est un processus apaisant où je trouve les mots que je ne parviens à sortir dans ma vie de tous les jours, cela me permet alors un peu de communiquer avec ceux qui prennent le temps de s’intéresser à notre musique.
Vous dites souvent, Karen en interview qu’il vous faut autant voir que ressentir vos textes et que c’est des moments les plus apaisés de la vie que surgit la vérité, vous pouvez nous expliquer ?
Karen Peris : J’essaie de reproduire les plaisirs que je ressens en tant que lectrice, le fait de voir les lieux me permet de mieux les reproduire et de mieux en faire ressortir les ambiances, les sensations ressenties en ces endroits et ces instants. C’est une espèce d’aller-retour en dedans et hors de soi. Si je parviens à constituer un univers visualisable pour mon auditeur, peut-être cela l’aidera-t-il à entrer dans la chanson et d’y trouver les sens et les symboliques qu’il souhaite y trouver. Plus vous tendez vers la simplicité et l’anecdotique et plus vous laissez le champ libre à l’autre pour y poser ce qu’il souhaite. Bien sûr, il n’y a aucun calcul de ma part dans ce processus, c’est ainsi que les choses viennent et c’est dans ce type d’écriture que je me sens bien.
Quels sont les auteurs qui vous ont influencé au niveau de votre écriture Karen ?
Karen Peris : Il y en a tant. Sans doute que ce qui m’influence le plus , sans vouloir paraître simpliste, c’est ma propre vie. J’ai toujours été une grande lectrice. Les livres qui m’ont le plus touché sont ceux qui cherchent à donner une vision forte du monde, des auteurs comme William Maxwell, J.D Salinger,Je me suis à dévorer de la poésie dans les années 90, je n’en avais jamais vraiment lu avant cette période, cela a forcément beaucoup joué dans mon propre processus d’écriture. J’ai appris avec les années à chercher à délester du superflu mes chansons. Je découvre en permanence de grands auteurs de poésie comme Gerard Manley Hopkins, des auteurs que j’ai souvent découvert dans des anthologies mais que la simple lecture d’un poème m’a donné envie d’aller plus loin dans la lecture de ces auteurs. La poésie c’est comme traverser un long couloir avec des portes qui s’ouvrent sur de grandes chambres accueillantes, vous pouvez vous y attarder ou passer votre chemin, vous laisser gagner par la surprise ou non. Je crois que des mots peuvent vous changer de l’intérieur. Ce qui est magnifique avec la poésie c’est que l’on ne sait jamais à quoi s’attendre avec elle, on ne sait pas ce qu’on y trouvera. Elle vous place vraiment dans cet état de surprise, on y trouve un monde qui finit par nous ressembler. La poésie et l’écriture vous placent dans une espèce de perte de contrôle et vous fait naviguer à vue sans savoir où l’on va. C’est ce plaisir-là que l’on trouve dans la poésie.
Si vous pouviez vous réincarner dans une chanson de votre répertoire mais aussi d’un autre artiste, quelle serait-elle et pourquoi ?
Karen Peris : Sans doute une chanson de Neil Young, Expecting To Fly qu’il a enregistré du temps de Buffalo Springfield. A chaque fois que j’entends cette chanson, j’ai l’impression d’être à l’intérieur des notes. Je la connais depuis mes douze ans et à chaque fois que je l’écoute, elle provoque toujours le même effet sur moi, comme si j’étais une partie de cette chanson.
Don Peris : From the morning de Nick Drake. C’est pour moi typiquement le type de chanson qui transcende les limites de la chanson et qui va bien au-delà, c’est toujours difficile d’expliquer l’attrait que l’on ressent face à un tel chef d’œuvre qui dépasse largement les seuls formats simplistes de la chanson. J’y ajouterai The Morning Fog, extrait de Hounds Of Love de Kate Bush. C’est marrant les deux chansons parlent du petit matin alors que je fais partie de ces gens qui adorent leur lit. (Rires). J’ajouterai aussi une chanson de Karen qui est sur son disque solo, Violet. Song For A New Day qui est un peu à l’amorce de notre dernier disque. Pourtant 7 ans séparent les disques. Quand on enregistrait le disque avec Karen et Mike, on s’est rendu compte que See You Tomorrow était comme une forme de prolongation de ce titre. J’adore cette chanson car elle dit tellement bien ce besoin de communication que nous avons tous, je retrouve cela aussi dans toutes les chansons de See You Tomorrow.
(à suivre)
Propos recueillis par Greg Bod – janvier 2020