Grandeur et décadence, voila comment pourrait-on résumer l’histoire du festival rock finistérien Elixir (1979-1987). Retour sur cette étonnante aventure grâce au documentaire signé Gérard Pont et Jérôme Bréhier.
C’est l’histoire d’une bande de potes bretons coincés dans un no man’s land culturel et qui en ont marre de se coltiner des groupes Breizh tendance hippies. Car en 1979 l’autoroute s’arrêtait à Rennes, ce qui de facto les mettait hors du circuit rock de l’époque.
Ils décident donc de monter leur propre festival autour de Brest, transformant ainsi l’utopie en réalité. Influencée par la revue musicale anglaise New Musical Express, la joyeuse équipe bénévole commence par programmer des formations de folk anglaise durant les deux premières éditions avant de s’orienter vers le rock, la new wave, le punk mais aussi le blues ou la musique africaine. Pour convaincre les groupes, le programmateur Pierre Billant, décédé en 2017, se rend à Londres et démarche directement les groupes. Souvent a leur grande surprise. Le public répond présent mais déjà Elixir se heurte aux idées reçues et peine à trouver des terrains auprès des communes et sera contraint de déménager sans cesse. Il n’y aura que neuf éditions, les unes plus dingues que les autres. Et rien ne leur sera épargnés : le fisc qui rafle les recettes, Fela Kuti et ses 20 femmes qui pillent les buffets de bouffes, le vol de 10 000 bracelets, les stars d’America qui exigent une fortune et une programmation au bout du monde tellement improbables qu’elle mérite le respect (The Stranglers, Kim Wilde, Fisher Z, OMD, Murray Head, Joe Cocker, Depeche Mode, The Clash, Joe Jackson ou le dernier concert des Undertones avant leur séparation etc.).
Malgré le succès grandissant, des bénévoles historiques quittent le navire. La programmation, la professionnalisation et l’apparition de sponsors les poussent à partir sans penser (au passage) à déposer le nom du festival. Les deux dernières éditions existeront donc sous une nouvelle appellation : Rockscene. Sans doute dépassé par les événements, en 1985 le festival accepte une coproduction avec Nouvelles Frontières et s’exporte a Athènes dans le superbe stade olympique sous la bénédiction des ministres de la culture des deux pays respectifs de l’époque : Melina Merkouri et Jack Lang. Au programme The Cure, Téléphone, Clash, Talk Talk, Stranglers ou Nina Hagen attirent les punks et des centaines d’anarchistes qui veulent rentrer gratuitement. Les émeutes et incendies poussent les autorités grecques à exiger l’ouverture des portes. Quarante mille personnes entreront sans payer et sonneront le glas du festival. Boy Georges fera les frais de l’ambiance électrique et répondra aux insultes homophobes par la provoc. Une aventure sur laquelle les protagonistes reviennent avec humour et passion. Et en images s’il vous plait ! Clairement Elixir à changé leur vie mais pas sûr que leurs fondateurs rempileraient si c’était à refaire. Encore que…
Marmillot Mathieu
Nos années Elixir, à revoir sur France.tv jusqu’au 13 février 2020