Après plus de vingt ans d’existence qui ont permis au label Bella Union de s’installer durablement dans le paysage musical mondial, il serait peut-être temps de revenir avec Simon Raymonde, son créateur sur des trésors cachés dans un catalogue qui convoque aussi bien l’exigence que l’élégance ou la magnificence.
Simon Raymonde : Je choisis cinq disques mais je pourrai aussi bien en choisir 50. Bien sûr quelques disques dans notre catalogue ont rencontré leur public, je pense à Beach House ou John Grant pour qui rien n’était gagné pourtant. Quand on travaille dans un label, on ne renie jamais aucun musicien que cela ait fonctionné ou non car on ne travaille pas que pour l’instant présent mais aussi dans un espace-temps qui a à voir avec la durée et la macération. Ce qui rend ces disques cachés, cette sélection de cinq disques, c’est que personne ne les a remarqué à leur sortie ou depuis.
Our Broken Garden – When Your Blackening Shows (2008) et Golden Sea (2010)
Un groupe danois en avance sur son temps qui n’a rien sorti depuis 2010 et Golden Sea, son superbe second disque. Anna Bronsted a ce beau ton mélancolique dans sa voix et elle pourrait rendre une chanson de Kylie Minogue triste. J’espère qu’ils reviendront un jour.
Pearly Gate Music – Pearly Gate Music (2010)
Dans le Rock, il y a toujours un rapport au fantasme. Avec les si on ferait beaucoup de choses, on ferait se dresser des montagnes. Je suis sûr que si Pearly Gate Music avait persévéré, ils seraient devenus un groupe immense. C’est Zak, le frère de Josh Tillman (Father John Misty). Le moins que l’on puisse dire, c’est que la famille Tillman n’est pas avare en gènes talentueux, en particulier côté storytelling. Je suis sûr que l’on entendra encore parler de ce garçon.
The Acorn – Glory Hope Mountain (2007)
Je mets fort à parier que si ce disque n’était pas sorti en même temps que le premier album des Fleet Foxes, il se serait vendu à des millions d’exemplaires. Le groupe de Seattle leur a « volé » leur destin. C’est une histoire déchirante comme on en lit souvent, une histoire de faux-départs, d’exil, de difficultés et de disparition. The Acorn venaient du Canada voisin et se sont installés aux Etats-Unis pour percer. Nous avons sorti les disques de The Acorn et de Fleet Foxes simultanément. C’était une erreur car il n’y avait de la place que pour un grand disque de Folk en 2007 et ce n’était pas le temps de The Acorn. Pourtant cela ne retire rien à ce disque absolument sublime.
Lanterns On The Lake – Beings (2015)
De tout le catalogue de Bella Union, Lanterns On The Lake est sans aucun doute le groupe le plus sous-estimé. S’ils venaient de Toronto ou de Brooklyn, ils auraient sans doute une autre reconnaissance. J’adore leur son qui pioche autant dans la Dream Pop que le Post-Rock, leurs textes sont sublimes également. Ils ont en commun avec Karen Peris de The Innocence Mission de vouloir raconter des histoires personnelles en y insufflant une résonance universelle. Les disques qu’ils ont sorti chez nous font partie des choses dont je suis le plus fier dans ma carrière. Un pur joyau !
The Czars – Sorry I Made You Cry (2005)
Je crois bien que je ne me serai jamais remis de l’absence de succès des Czars, je ne comprenais pas l’indifférence générale autour de ce groupe. John Grant aurait dû être le plus grand dès le premier disque. Bien sûr, on a été soutenu par la presse et on a nous-même chez Bella Union soutenu The Czars jusqu’au bout. Le succès qu’il a enfin rencontré avec Queen Of Denmark (2010) était largement mérité. John Grant a toujours aimé faire des reprises et après un certain temps, nous avons réalisé que nous en avions beaucoup ! Alors nous les avons mises sur un album et c’est un album auquel je reviens toujours.