Mind Hive est le dix-septième album, déjà, pour les extraordinaires précurseurs que furent les anglais de Wire, et peut-être l’un de leurs plus beaux !
A l’heure de la grande nostalgie et du revival tout azimut de la cold wave anglaise de la fin des seventies, il est de bon ton de prétendre redécouvrir maints groupes qui seront désormais considérés comme de géniaux précurseurs, et qui reviendront faire un dernier petit tour de piste… alors que, honnêtement, on ne le leur en demandait pas tant ! Tout ça alors que l’un des seuls vrais phénomènes artistiques de cette « belle époque » n’a quasiment jamais cessé de créer, et de tourner dans de petites salles où quelques centaines de spectateurs éberlués se pinçaient pour y croire : Wire, oui, le groupe du colossal Pink Flag, quasiment dans sa formation originale (Newman, Grey et Lewis sont toujours là…) n’a jamais baissé les bras. Ni la garde. Et leur dix-septième album (oui, 17ème !) vient même de sortir, alors que nous sommes déjà en janvier 2020, et il concourt sans peine pour le titre du meilleur disque de ce début d’année.
Pour ceux qui en se seraient restés au minimalisme angoissant et décalé qui fit la réputation du groupe, et qui resta longtemps leur spécialité, la première écoute de Mind Hive peut s’avérer surprenante : entre la pop en cinémascope de Off the Beach – un titre littéralement merveilleux, sans aucun doute l’un des plus beaux écrits par Wire – et une seconde face qui explore des ambiances rêveuses de plus en plus envoûtantes qui peuvent évoquer les sommets d’un XTC, Mind Hive est plus séduisant qu’inconfortable, plus rond et soyeux qu’anguleux.
Oh, quelques éclats de la dureté ironique d’antan survivent bien ça et là : l’accrocheur Be like Them en intro très catchy et énergique, le provocateur et puissant Oklahoma, voire les montées en régime de Hung, pièce maîtresse de l’album, ce voyage obstiné de 8 minutes vers la beauté, confirment que Wire reste capable de soulever les cœurs et de faire s’entrechoquer les crânes… en dépit du fait que c’est bien un sentiment de splendeur un peu angoissante qui se dégage au final de Mind Hive.
Et bien sûr, Wire étant pour toujours un groupe obsessionnellement in-tel-li-gent (et parfois accusé par les fans de Liam Gallagher de l’être trop…!), les textes de Mind Hive ne nous parlent ni d’amour ni de rock’n’roll, mais constituent toujours d’humbles chroniques de notre déroute quotidienne face à l’inhumanité croissante de nos existences : « I can’t quite remember when it went wrong… » est la conclusion résignée d’un album dont la beauté – modeste mais ferme – dépasse indiscutablement la noirceur.
Un album qui fait du bien à l’âme, ce qui n’est pas si négligeable par les temps qui courent.
Eric Debarnot