The New pope : Un Vatican très techno-pop

Suite irrévérencieuse et d’une folle audace visuelle, The New Pope propose une réflexion poussée (et parfois abscons) sur la foi, le pouvoir et le désir. L’art au service du petit écran – ou l’inverse.

the new pop

On le connaît, le Sorrentino. Adepte de films amples, fous et visuellement marquants (la Grande Belleza, Youth, Silvio et les autres), il continue de creuser son sillon très personnel sur ce deuxième « opus dei » de sa série phénomène qui avait fait grand bruit à sa sortie voici 3 ans. Et on reprend les choses où on les avait laissées à l’issue de The Young Pope : Lenny Pelardo (Jude Law), pape fringant mais un peu rétrograde, adulé par la communauté catholique entre ferveur et désir sexuel, mais aussi pauvre homme dans le coma, pour qui il faut trouver un successeur. Et une cité du Vatican comme une fourmilière de jeux de pouvoir et de passion (amoureuse, sexuelle ou religieuse – voire les trois…)  qui finit par trouver  comme possible remplaçant Sir Brannox (John Malkovitch comme toujours impeccable) qui deviendra un pape qu’on n’imaginait pas…

Plus que dans n’importe quelle série, l’intrigue qui sert de fil narratif à la saison reste mineure. Chez Sorrentino, ce qui importe, c’est le visuel, le décorum, et les questions philosophiques qui découlent de personnages clairement mythifiés. Ce qui impose d’emblée, encore plus qu’il y a trois ans, c’est la précision formelle du metteur en scène, qui compose chaque plan comme une oeuvre picturale, qui propose par séquences des blocs mémorables tant visuels que sensoriels, et qui pousse certains dialogues parfois surréalistes ou abscons jusqu’au paroxysme. Avec cette forme incroyable de classe et d’audace, où le sensuel s’acoquine avec le sacré dans une partouze audiovisuelle provoc’ et très stylisée.

https://www.youtube.com/watch?v=wvXeAe0UA4g

The New Pope s’autorise des digressions très osées parfois, notamment sur son thème principal : on y parle de foi, d’abnégation, mais aussi de luttes de pouvoir, d’homosexualité, de pédophilie, de mafia, de terrorisme, de prostitution… la série ne s’embarrasse pas de toutes les rumeurs qui tournent autour de la cité du Vatican, elle les prend à bras-le-corps, propose sa version assez peu raisonnable du sujet, et transforme le tout en bal cynique, techno-pop (incroyable bande-son), et irrévérencieux au possible. Beaucoup crieront au scandale, mais qu’importe :  par delà l’humain en chacun des prêtres, sa grandeur comme ses faiblesses, on retiendra des discours papaux comme de belles utopies humanistes, clairvoyantes et sensées, des discours qui composent un épisode final incroyable, drôle et profond, avec des scènes sublimes qui alternent avec de grands moments improbables.

Et puis, avouons-le, une série italienne où John Malkovitch reçoit Sharon Stone et Marylin Manson, donne la réplique à Cécile de France et Ludivine Sagnier, rivalise avec Jude Law en slip blanc, dans une chapelle où des nonnes dansent lascivement sur l’hymne techno de Sofi Tukker, vous verrez ça ailleurs ?

The New Pope est une oeuvre d’art, mais sur petit écran. Contemplez-la.

Jean-françois Lahorgue

The New Pope
Série franco-italo-espagnole de Paolo Sorrentino
avec John Malkovitch, Jude Law, Cécile de France…
9 épisode de 55 mn environ
Diffusion : Canal + séries (janvier 2020)