Film de femme sur les femmes, Adam aborde le sujet de la maternité hors mariage au Maroc et fait écho dans au « female gaze » revendiqué par Céline Sciamma.
Projeté à Cannes le même jour que Portrait de la jeune fille en feu, mais dans la sélection Un Certain Regard, Adam de la réalisatrice marocaine Maryam Touzani prolonge à sa façon le female gaze revendiqué par Sciamma. Film d’une femme sur les femmes, le récit s’inscrit dans l’échange central entre les deux protagonistes : la première, veuve élevant sa fille en tenant une boulangerie, affirme après avoir révélé qu’elle n’avait pas pu dire adieu à son mari, que « la mort n’appartient pas aux femmes » ; « Peu de choses leur appartiennent » répond la plus jeune qu’elle a recueillie, fille mère célibataire déterminée à accoucher en cachette de ses parents, abandonner l’enfant avant de retourner au village de ses parents la réputation intacte.
Les hommes sont donc au dernier plan : esseulées, les femmes vont se joindre dans l’adversité, non sans quelques difficultés. Le récit fait le pari la lenteur et des silences, explorant d’un bout à l’autre du spectre des émotions contradictoires : une grossesse non désirée, celle un deuil non résolu, et des femmes qui tentent de les conjurer dans le travail manuel. Celui-ci occupe une large place, dans cette échoppe au sein d’un rue grouillante de vie, enclave propice aux clairs-obscurs qui s’attarde sur les mains et leur contact aux matières, farine, huile, graines, pour ces artisanes nourricières du quartier.
Cette ambivalence traduit avec tact la richesse des portraits : Alba, femme dure (qui nous permet d’enthousiastes retrouvailles avec Lubna Azabal, l’inoubliable interprète de Nawal dans Incendies de Villeneuve) a blindé son cœur, et apprend autant la solidarité, la dignité que l’endurcissement à Samia, qui n’envisage pas un seul instant de sortir des rails de la tradition, et se prépare à un autre deuil, celui de l’abandon. L’extérieur pèse ainsi constamment, à l’image de cette séquence de fuite dans la ville qui donne à voir une misère et un désarroi loin des cartes postales orientalisantes, ou de cette maladroite cour qu’un client fait à la patronne.
Film de la réconciliation, Adam explore les différentes stratégies de l’acceptation : transformer le chant douloureux du souvenir en danse émue, le fardeau de la naissance en une rencontre, et affronter le regard de la foule par la conviction intime d’avoir le droit de vivre. Par son travail, avec ses sentiments, trouvant dans la féminité la force et la dignité qui font si souvent défaut au monde.
Sergent Pepper
Adam (2019)
Film franco-marocain de Maryam Touzani
Avec Lubna Azabal, Nisrin Erradi, Douae Belkhaouda
Genre : Drame
Durée : 1h38
Date de sortie en salles : 5 février 2020
https://www.youtube.com/watch?v=qu5TTiPccU4