Loin, mais peut-être pas tant que ça par son approche fun et décomplexée, de la saga Thor, Taika Waititi propose avec Jojo Rabbit un film surtout destiné aux plus jeunes…
Le nouveau projet du trublion Taika Waititi, responsable entre autre du virage fun et décomplexé de la saga Marvel Thor a beau se présenter comme un film historique, il exhibe de tous côté sa facticité : par ces Allemands qui parlent non seulement anglais, mais avec des expressions, des intonations et une absence de complexes en tous points contemporains, cette BO anachronique où les Beatles et Bowie chantent allemand, par ce goût pour la satire qui donne l’air de se blinder face à des sujets graves, et par les échos évidents à tout ce qui menace notre époque contemporaine en termes de désinformation propre au retour des pensées les plus nauséabondes.
Petit film mignon, Jojo Rabbit emprunte tous les ressorts de l’apologue pour distiller ses leçons d’humanisme, et les assume parfaitement. En ce qui concerne l’humour, toute la première partie est plutôt bien emmenée, notamment dans ce regard décalé sur l’atmosphère scout des jeunesses hitlériennes, entre inconscience des jeunes embrigadés et bêtises aveugle des jeunes qui les encadrent. On retrouve cet esprit dans le fameux binôme que compose le jeune protagoniste avec son ami imaginaire, Hitler incarné par le réalisateur lui-même qui prend de manière évidente un immense plaisir à pousser à fond la caricature, pour quelques échanges savoureux censés incarner l’influence puis la mauvaise conscience du gamin face à un père de substitution.
La complicité que Waititi construit avec le spectateur pour élaborer son argumentaire est aussi lisible que facile : l’humour, l’intelligence mature formulée par des gamins de 10 ans, le chemin balisé d’une rencontre en la personne d’une juive cachée dans les combles, l’esthétique très Wes Anderson jonglant entre la symétrie des plans et les couleurs pastels composent un tableau universellement accessible, jamais âpre et résolument familial.
Peut-être était-ce la condition pour que les parallèles puissent être faits par le plus grand nombre sur ce que cette page sombre de l’Histoire a à nous apprendre sur ce qui ne cesse jamais de se loger dans les discours, les haines, les rumeurs et la peur de l’Autre. Il n’empêche que la leçon n’est pas exempte de lourdeurs ; pour quelques jolis passages (notamment ces lettres fictives écrites par Jojo de la part de Nathan à Elsa, permettant par bien des détours un accès à ses propres sentiments), la didactique phagocyte quand même pas mal un récit qui semble avant tout se concentrer sur la frange la plus jeune de son public, à l’image de toutes ces séquences avec la mère qui explicite à répétition des enjeux qui étaient pourtant transparents sur la guerre, la paix, la liberté, la tolérance, l’apparence et le courage.
Rien de fondamentalement audacieux, en somme. Mais pourrait-on véritablement reprocher à un tel discours d’arrondir ses angles pour toucher le plus grand nombre ? Qu’on emmène les écoles voir ce film, en complément du Journal d’Anne Frank et des cours d’Histoire, et il remplira sa modeste mission.
Sergent Pepper