En cette fin d’hiver qui semble interminable, Malo Dormoy vient nous offrir son premier album. Un disque sentimental dans la grande tradition de la Chanson Française teinté de rythmes Bossa et de réalisme « Parigot ». Une première oeuvre prometteuse, qui laisse augurer le meilleur pour la suite. Un rayon de soleil dans ton hiver en somme.
Cela fait maintenant quelques temps que Malo Dormoy traîne sa grâce nonchalante et le velouté de sa voix dans les cabarets de la rive gauche et les scènes de théâtre Parisiennes.
Malo se plaît dans cette polyvalence bohème, ce métier d’artiste, ce métier aux mille métiers, qu’elle pratique avec le même enthousiasme depuis quelques années déjà.
Le théâtre, puis la comédie musicale et finalement la musique. Tout court !
Malo en véritable artisan(e) (Putain d’écriture inclusive !) passionnée passe allègrement d’un art à l’autre, du Lapin Agile à Montmartre aux Folies Bergères, d’un genre à l’autre avec pour unique moteur la passion du métier qui ne semble pas tiédir avec le temps. Mais cette année 2020, la touche-à-tout du 18 ème arrondissement (quartier Marx-Dormoy évidemment) a décidé de poser ses valises, de se concentrer, de s’écouter, d’écouter ces mots qui traînaient dans un coin de sa tête depuis plusieurs années, de ces émotions qui pesaient trop lourd pour avancer convenablement. Malo devait jeter ses mots, au hasard, des phrases, des ressentis. Tremper sa plume dans l’encre des émotions pour en sortir quelque chose, n’importe quoi. Au fil de l’écrit, il s’est avéré que ses mots, ces morceaux de vécu, ressemblaient de plus en plus à des poèmes, à des chansons.
Il fallait donc pour Malaurie (c’est son prénom) mettre de l’ordre dans ses mots, mettre de l’ordre dans ses émotions, les ranger les unes après les autres, dans des cases, puis fermer les tiroirs et enfin continuer. Fermer les tiroirs mais ne pas oublier. Conserver intactes ces émotions pourtant désamorcées. Pouvoir encore les manipuler sans qu’elles viennent t’exploser au visage. Et quoi de mieux qu’un disque, qu’un album pour poser les choses lourdes, encombrantes pour l’âme, qui ralentissent le trajet et brouillent la direction.
Les mots, Malo les a trouvés. C’est maintenant la musique, l’habillage des mots, le bas résille sur la jambe galbée. C’est également dans ses souvenirs, dans sa vie de musicienne et son amour inconditionnel pour la Chanson Française qu’elle va puiser son inspiration musicale. La Chanson Française mais pas que !
L’album est baigné de rythme latin, d’influences hispanisantes (Una cancion para ti) et de balancements Bossa ( La très sensuelle Chaleur ou Lamarck Collé par exemple et ses choeurs en face-à-face offrant à la chanson un battement tropical réussi) qui viennent enrichir par petites touches fragiles un disque qui vibre Parigot jusqu’à la dernière putain de marche menant au Sacré-Coeur. Ce sont les rues de Paris que Malo nous invite à prendre, main dans la main avec elle. Une âme perdue dans la capitale, une reconstruction sentimentale et amoureuse en musique. C’est la vibration de la grande ville qui pulse ce joli album, lui donnant ce rythme de croisière doux et chaloupé.
C’est également par le talent précieux mais discret d’Anna Jouan (Guitare et violoncelle) et d’Alejandro Guerrero aux percussions (qui donne cette belle teinte Latine à l’album), mais aussi par la prod’ simple mais jamais facile laissant la part belle aux textes, et les soins apportés à l’équilibre instrumental par l’excellent Steph Legrand à la réalisation, que le disque trouve sa voie et sa cohérence. Une équipe au strict minimum qui permet à l’album de ne pas s’alourdir d’effets faciles et d’empilement musical inutile, gardant la fragilité et la douceur d’une instrumentation retenue et de la voix nue de Malo.
Un premier album prometteur, tombé comme un cadeau du ciel, sur les frêles épaules de Malo Dormoy. L’accomplissement en musique d’un pan de vie d’une Parisienne bohème et passionnée.
Un regard dans le rétroviseur lucide et touchant sur les bonheurs et les erreurs qui émaillent une vie, sur le parcours d’une femme profondément ancrée dans son époque et l’espérance folle et inébranlable dans la puissance de l’amour.
L’Amour monte en cette fin d’hiver et laisse présager un bien joli printemps.
Renaud ZBN