Ce vendredi, le Café de la Danse devrait accueillir – si nous ne voyons pas tous les concerts interdits du fait de la situation avec le Coronavirus – l’un des groupes nés dans les années 80 qui reste le plus extraordinairement créatif 40 ans plus tard : les Hollandais de Nits. Nous avons eu la chance que Henk Hofstede accepte de répondre à notre version du questionnaire de Proust, ce qui a entraîné une discussion à la hauteur de la musique du trio.
Quel est le principal trait qui caractérise Nits ?
Henk : Si je devais n’utiliser qu’un seul mot, ce serait la curiosité… Nous sommes toujours à la recherche de nouvelles choses, de nouveaux espaces, de nouveaux paysages. Ne jamais rester à la même place. Si nous nous arrêtons d’avancer, il faudra arrêter le groupe. Nous ne satisfaisons pas de simplement jouer les chansons qui existent déjà : si nous ne faisions que ça, l’âme du groupe disparaîtrait…
Quelle est la qualité que vous désirez vraiment avoir chez Nits ?
Henk : Je ne sais pas comment l’exprimer, mais c’est la qualité que je trouve dans l’Art abstrait, chez les peintres que je préfère… Cette capacité d’abstraction que je vise serait sans doute mieux exprimée par des instrumentaux… Mais d’un autre côté, j’aime tellement les mots, raconter des histoires… C’est une approche contradictoire, mais c’est intéressant.
Quelle est la qualité que vous aimez retrouver chez les artistes et les groupes que vous écoutez ?
Henk : La capacité de me surprendre toujours, de produire de l’inattendu. Comme chez Nick Cave, qui est toujours surprenant. Ou bien Brian Eno, un philosophe musical. Bon, j’écoute aussi FKA Twigs, c’est une sorte de version moderne de Kate Bush, la Kate Bush pour notre époque. En fait, j’aime que la musique me touche d’une manière que je n’attendais pas forcément…
Qu’est-ce que vous appréciez le plus dans le fonctionnement de Nits ?
Henk : Ce moment où nous nous retrouvons au studio, sans rien, juste une feuille blanche, une toile vierge… On n’a aucune idée, et on construit de nouvelles choses en quelques jours. Tout est ouvert, c’est à la fois très intime et très confus.
Et puis il y a aussi le moment où nous présentons enfin notre travail sur scène, et où nous nous rendons compte que ça marche : c’est aussi énormément de plaisir, mais un plaisir totalement différent…
Quel est le principal défaut de Nits ?
Henk : Peut-être pas un défaut, mais un problème… Nous ne sommes pas clairs quant à ce que nous faisons. Bon, j’aime bien le mystère, je ne suis probablement pas un artiste très clair ! La plupart des gens, même s’ils connaissent un peu le groupe, n’ont pas vraiment d’idée de ce que nous produisons. Parfois ça m’indiffère – je me dis que Nick Cave non plus, l’homme de la rue ne sait pas ce qu’il fait (rires) -, mais ça serait quand même merveilleux si les gens nous connaissaient mieux. Il faut qu’ils viennent nous voir en concert pour qu’ils comprennent enfin…
Bon, d’un autre côté, nos albums studio ont leur vie propre, et nous les transformons quand nous les jouons sur scène, ils deviennent autre chose…
Et puis, nous avons déjà donné tellement de concerts, nous avons réussi à toucher tellement de gens à travers le monde… (rire)
Qu’est-ce que vous faites en dehors de Nits ?
Henk : Je suis passionné par le fait de faire des films, des petites vidéos, je les mets sur YouTube, sur Facebook. Mais je dessine et je peins beaucoup aussi, pour le groupe ou juste pour moi et pour mes amis.
Et puis, en dehors des Nits, je fais encore de la musique, par exemple avec Avalanche Quartet, on fait des reprises de Leonard Cohen, ça a beaucoup plus de succès que ce à quoi je m’attendais…
… Bon, j’ai aussi une famille, trois filles, qui sont complètement impliquées dans ce que je fais…
Quel est votre plus grand rêve pour Nits ?
Henk : J’aimerais pouvoir terminer et publier un travail de montage de vidéos du groupe, c’est un vrai travail de charpentier, pas un travail artistique. J’ai filmé pendant des années toutes nos tournées, il faut que je monte ça, que j’en fasse quelque chose, mais c’est compliqué avec tous ces formats différents, de la VHS en Noir et Blanc, du Super 8, de la HD… Ce sera un collage d’images qui représente notre vie de voyages, ce ne sera pas un documentaire, je déteste ces gens qui discutent à propos du passé ! En fait, ça ne sera peut-être pas intéressant du tout (rire)… mais on ne sait jamais !
Quel est votre pire cauchemar pour Nits ?
Henk : Là, j’ai un vrai cauchemar : nous sommes sur scène pour le concours de l’Eurovision, des millions de personnes nous regardent, et là on joue la pire des chansons possibles ! Un cauchemar, oui !
Si vous n’étiez pas Nits, vous seriez quoi ?
Henk : Peintre ! J’ai fait des études de peinture à l’Académie Royale d’Amsterdam, j’ai appris à peindre, et donc je serais peintre si la musique n’était pas entrée dans ma vie… comme c’est d’ailleurs le cas de beaucoup de gens. Je serais peintre et j’essaierais de regarder le monde et de le traduire sur ma toile…