Film-OVNI et anxiogène qui a le mérite de sa radicalité, Vivarium nous laisse finalement un peu sur notre faim.
Vivarium ressemble en tous points à ces nouvelles de SF qui firent dans les années 60 / 70 la réputation de grands auteurs comme Richard Matheson ou, bien sûr, Philip K. Dick : un concept puissant, sous lequel on pouvait lire une critique sociale et / ou politique caractéristique de cette période post-hippie mais globalement révolutionnaire contre l’establishment, et qui débouchait sur une horreur profonde. Et la volonté « anti-commerciale » (on ne caressait pas le lecteur – le public en général – dans le sens du poil à cette époque-là !) de pousser la logique jusqu’à ses plus extrêmes limites, et jusqu’à une conclusion irrémédiablement pessimiste.
Pour ceux d’entre nous qui furent biberonnés à cette SF-là, et qui eurent toujours du mal à avaler la folie du space opera qui envahit la génération suivante, Vivarium devrait logiquement être un objet d’intense satisfaction : la radicalité de son récit comme de sa mise en scène, toute entière dirigée dans ce cas vers la création d’un sentiment anxiogène qui frise l’insupportable, ainsi que l’intelligence de choix esthétiques singuliers, comme les références permanentes à Magritte, font de Vivarium une sorte de modèle post-Black Mirror d’une SF qui aurait retrouvé un sens, loin de l’entertainment hollywoodien. Si l’on ajoute deux acteurs du calibre d’Imogen Poots et Jesse Eisenberg, quasiment en permanence à l’image dans des scènes qui déclenchent ce phénomène – nécessaire – d’identification qui rajoutera un niveau de stress supplémentaire à l’expérience, on ne voit pas bien ce qui pourrait empêcher le film de fonctionner parfaitement.
Et pourtant, malgré l’inconfort délicieusement torturant qu’on ressent, malgré l’efficacité de certaines surprises ménagées par le scénario, malgré l’indiscutable – répétons-le – intelligence du propos, on ne peut pas s’empêcher de s’ennuyer un peu devant cet « objet » parfait, qui, in fine, n’arrive jamais à être vraiment du… Cinéma. Qui reste seulement l’illustration impeccable de son concept : même si cette absence de « vie » – entendons-nous bien – est justement l’un des sujets de Vivarium, il aurait sans doute fallu trouver une manière plus « vivante » de l’exprimer, et l’on ne peut s’empêcher de trouver que la géniale scène du coucou, durant le générique de début, en dit plus et de manière plus inspirante, plus traumatisante, que l’heure et demie qui suit !
Lorsque Vivarium se referme, d’une manière que l’on peut trouver également amusante, ironique, la tragédie que nous venons de vivre semble avoir perdu toute réalité, et il n’est pas sûr que nous réfléchirons bien longtemps au « message » – finalement assez flou (« échappez aux conventions sociales qui vous tuent ? ») – de Lorcan Finnegan. On a plutôt envie de lui poser la question qui, elle aussi, tue : « tout ça pour ça ? »
Eric Debarnot
Je viens juste de le voir… le pauvre Finnegan, son film aura donc pâti du covid-19… pour le coup, le film idéal de confinement ;-)
Un cauchemar glaçant qui me rappelle la série « La quatrième dimension ». Peut-être pas tout à fait abouti, mais j’ai plutôt envie d’encourager l’auteur avec ce film qui sort des sentiers battus.
On est bien d’accord !