Octave noire récapitule avec Monolithe tous les genres qui l’ont bercé pour un nouvel album intense et surprenant. Une atmosphère riche en ombres et lumières, un disque sans adresse fixe.
En 2017 voyait le jour le petit ovni Néon , premier espace crée par Patrice Moriceau aka Octave Noire , espace-voyage dans un univers féerique, riche en possibilités avec ses doses justes d’humanité pour ne pas être parfait, accroché a l’époque par la ritournelle My hand in your hand, je gardais sous l’aile cet ex Aliplays d’électro pure et ex Bazarnaum de rock cru, ébloui par les petits trésors qui scintillaient dans chaque thème.
2020, la ritournelle trotte encore dans la tête mais Octave Noire revient pour propager de nouveaux sons, voici venir Monolithe. Après l’artificiel Néon nous sommes invités par le titre à revenir vers la matière. Cela n’a rien d’étonnant, cet artiste n’a pas de limites palpables, il a fait l’osmose de cette pop française qui survit de décades en décades, pop Egérie, Nino, Manset, etc.… et de cette électro même kitch des années 80 (un soupçon de Jarre, Moroder, etc..) donne des effets troublants de Souchon-Vangelis, où Yves Simon-Kraftwerk (Los Angeles est un Amazoniaque urbain), un amalgame surprenant des époques sonores qui donne dans l’actualité un produit plastique et chair. Octave Noire se définit sans doute comme une machine à créer des sensations et ses expériences sont fines, symphoniques et précises. C’est un travail méticuleux, d’un personnage aux aguets de tout détail, de chaque minime structure, un travail de fourmi passionnée.
L’onirisme de Néon reste puissant ici, les textes énigmes, les textes songeurs, récits de voyages sans destins et scènes fiévreuses sous voile rouge, sont à nouveau présents, mais le vrai travail et véritable talent de Patrice réside dans son emploi d’architecte musical à plein temps, comment il bâtit, comme il fonde, comment il construit chaque chanson comme un édifice, soit gratte ciel exagéré et pompeux, soit paysage lunaire d’abandons et creux. Octave noire sait en fait, donner la matière a ses créations, imbibé qu’il est de ce frenchy but chic héritage (je citerai même Christophe dans certaines errances, ce fantasque mouvement de voix et même n’en déplaise, à l’attitude créatrice de Balavoine).
Le vrai trésor de ce compositeur est l’ampleur qu’il est capable de donner à ses créations, cette force qu’il imprègne à ses chansons, ce volume de crescendo qui rend hymne chaque thème mais dont il a l’élégance des frontières, la sagesse de ne pas aller trop loin, la justesse, l’équilibre (J’ai Choisi avec Dominique A qui débute si sec et s’inonde peu à peu, plage à plage). Qu’apporte dès-lors ce nouveau travail au splendide Néon ?
Si Néon ouvrait les routes, Monolithe montre les possibles destinées, dans la même palette sonore, surprenant encore (Retiens cette image digne de Phantogram ou des répétitifs The TingTings) mais plus sûr de lui, plus fortifié, plus costaud et peut être plus commercial (Monolithe Humain pour exemple qui entête si facilement), accessible à toutes ouïes sans avoir perdu la race (Parce que je suis vient au bon moment nous rappeler de la géniale folie du créateur), pas perdu ce pedigree, ce groupe sanguin.
Monolithe est donc une pierre de plus dans cet édifice qu’Octave Noire a commencé à construire sur le skyline de la musique française actuelle, passée, présente et future du Panorama.
Guillaume Mazel