Au milieu des 90’s, du règne sans partage d’un Grunge bruyant et triomphant, un jeune folkeux Californien débarque sur les ondes avec un Blues étrange, désarticulé : « Loser ». Beck lâche sur les nineties sa singularité, sa créativité sans bornes et son génie nonchalant offrant une alternative neuve et rafraîchissante à ce Grunge cannibale. Beck revisite les genres musicaux de son pays et les rénove de fond en combles avec la fougue de la jeunesse. Un album essentiel des années 90 qui fera des émules et qui se doit de trôner en bonne place dans toutes les discothèques.
je me rappelle la première fois que j’ai entendu Loser de Beck sur mon petit radio-réveil planté sur une étagère branlante au dessus de mon plumard.
Une étagère poussiéreuse où trônait une merveilleuse collection de n’importe quoi. Une collec’ étrange, un merveilleux melting-pot de broutilles inutiles, comprenant notamment un vieux jack usé trouvé dans un quelconque concert de Punk régional, un coquillage bizarre qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à maître Capello ou même un prospectus de literie dont la gonzesse aux attributs mammaires hypertrophiés avait perturbé mon regard encore moyennement innocent.
C’est au milieu de ce fatras, sortant de ce poste grésillant et cabossé que je pris ce Loser en pleine poire.
Ce morceau, à l’image de cette étagère, de cette chambre d’ado priapique qui était la mienne avait ce charme bordélique, ce côté bringuebalant qui sauta immédiatement à mon oreille ouverte aux quatre vents.
C’est en 1994 que Loser déferle sur les ondes du monde entier.
C’est en pleine époque Grunge (Genre auquel Beck sera rattaché à ses débuts) que tombe lourdement le premier album du Californien sur le monde de la musique.
Beck n’est pas un débutant quand sort Mellow Gold.
A dix-huit ans, il quitte l’école et part rejoindre son grand père en Allemagne (Al Hansen personnage important et complètement déjanté du mouvement artistique Fluxus) où il touche à des formes d’Art insolites et avant-gardistes (Comme le lâcher de piano du haut d’un pont par exemple).
En rentrant au pays, Beck traîne les bars de la Big Apple et se fait la main sur différents groupes du mouvement anti-Folk et autres mouvements alternatifs.
Au début des années 90, il rentre à Los Angeles vivant de petits boulot, continuant à grattouiller sa guitare baladeuse et finit par enregistrer ses morceaux étranges sur différents labels indépendants.
C’est avec Geffen Records (qui lui offre moins d’argent mais une liberté totale et un contrôle absolu sur la production de ses albums) que l’explosion aura lieu. Et cette explosion, c’est la mèche Loser qui viendra la déclencher. Blues dissonant et tordu dont le style parlé et sa Fuck Attitude assumée en font le fer de lance du mouvement « slacker ».
Mellow Gold vient de naître.
Album foutraque, skeud fourre-tout où Beck balance à l’intérieur et à grands coups de pelle sa créativité qui semble sans limite.
Le Californien investit les genres, s’immisce dans les différents styles musicaux de son pays, les ronge de l’intérieur et les détruit à grands coups de masse.
Beck encore inspiré par le mouvement Fluxus auquel appartient son grand père, influencé par cet anti-Art faisant de la destruction, de la remise en cause et de l’abolition des frontières artistiques une nouvelle forme d’Art, transpose les grandes lignes du dogme Fluxien dans ce premier album insaisissable.
Son court passage dans le mouvement underground de l’Anti-Folk servira également à peaufiner ce merveilleux bordel qu’est Mellow Gold.
Beck pénètre les styles, les déforme, les déstructure avec l’assurance du gamin génial qu’il est.
Tout est malaxé, passé au robot d’une prod’ brillante et innovante.
La folk des ancêtres est enfournée dans la machine à laver Beckienne programme « Délavage » comme pour la merveilleuse Pay No Mind (Snoozer) ou la malicieuse Nitemare Hippy Girl, d’où elles ressortent vidées, essorées jusqu’à la dernière goutte mais d’un blanc immaculé, renouvelé.
Le Blues du Delta est lavé par l’ange blond dans les lavoirs du bord du Mississippi où l’eau lave plus Black que Black. La guitare électrique, l’harmonica, les oripeaux ancestraux du Blues aplatis, écrasés, désincrustés à coups de battoir. Ressortant, malgré le big bang mélodique improbable, aussi pur qu’aux premiers temps (Le bien nommé Fuckin With My Head ou ou le bancal Truckdrivin Neighbors Downstairs).
Mellow Gold est l’album magique d’un môme sûr de son talent et de sa modernité ( et une influence flagrante pour les néo-Folkeux des 00’s tels Sufjan Stevens et autres).
Un moment précis dans ces nineties « Nirvanaïsées », une bouffée d’air frais Rock hors de ce Grunge cannibale.
Une galette comme cette étagère branlante au dessus de mon pieu: Bordélique, tordue, grinçante et un peu cradingue mais diablement vintage et foutrement solide.
Renaud ZBN