Container était l’un des albums les plus attendus du mois, surtout par ceux qui avaient pu assister à une performance live de The Wants. Alors, le premier album de nos chers New-Yorkais angoissés est-il au niveau espéré ?
« Watch it, pull it apart / Can it fit in the container? / Smash it, pull it into your heart / Chew it up and eat it later / Mould it, scould it / With black rubber arms you can fold it / Patch it into time honored labels / ‘Cause no one wants to be your friend past 19:30 » (Container)
Ceux qui ont eu comme nous la chance de voir The Wants sur scène, et ont été probablement littéralement soufflés par l’urgence qui se dégage de leurs sets à la fois « chics » (on appelait ce genre de musique de « l’Art Rock » à une certaine époque, non ?) et profondément angoissés, seront un peu déçus par Container, le premier album de ces rejetons de la mini-sensation new yorkaise de Bodega. Ceux qui connaissent déjà les singles impeccables du groupe (Container, The Motor, Fear My Society, Clearly a Crisis) seront frustrés par la relative pauvreté de l’album en nouveaux titres : 4 instrumentaux (Machine Room, Aluminium, Waiting Room et Voltage) flirtant avec l’ambient noise rajoutent une atmosphère apocalyptique certes bienvenue, mais assez peu nourrissante pour les affamés de « nouvelle musique », et il n’y a guère que Ape Trap et Nuclear Party qui soient véritablement roboratives. Faut-il qualifier Container de déception parce qu’il n’est pas la révolution rock que nous appelons de nos vœux à cette époque de recyclage extrême des concepts post punks ? Ce serait aller un peu loin…
Car derrière ce mashup inédit de concepts dignes de Can et de pop synthétique à la Depeche Mode, au-delà de cette puissance motorik et de ces convulsions rappelant les premiers singles de Talking Heads ou de XTC, on entend clairement ici l’angoisse de notre époque, ou du moins de ce qu’était notre époque quand on ignorait encore ce qui mijotait à Wuhan : Madison Velding-VanDam, l’impressionnant leader du groupe, est clairement quelqu’un de trop compliqué, de trop peu « équilibré » pour qu’on puisse le soupçonner d’être un poseur arty ou un froid manipulateur (reproches que certains faisaient à l’époque à un David Byrne, par exemple…)
Oui, le trio de The Wants fait partie de cette élite, de ces jeunes new-yorkais cultivés qu’on aurait tendance de nos jours à vouer aux gémonies, mais cette angoisse existentielle qui nourrit Container n’a rien de branché ni d’élitiste : n’importe lequel / laquelle d’entre nous ne pourrait-il / elle pas avoir écrit les paroles de Fear My Society : « I don’t know if I buy or sell / Will you love me if I’m a failure? / Please baby no, don’t say you won’t / … / I fear my society / I can feel my society is bringing my down / Breaking down my anxiety / I would leave my society, but I don’t know how… ». Et même si elles ont été écrites avant notre période actuelle de confinement, les chansons, tellement tranchantes, de Container mettent cruellement en lumière les déficiences de notre société capitaliste ultra-consumériste.
Voici donc un premier album un peu en-deçà de ce qu’on pouvait attendre de The Wants, mais suffisamment complexe, efficace, et surtout différent de ce que la majorité des artistes et groupes contemporains considère comme la musique la plus pertinente pour notre époque, pour constituer une alternative courageuse à la banalité croissante des démarches artistiques Rock actuelles.
Ah ! Et oui, on ne vous l’a pas dit, mais surtout depuis qu’on est tous confinés, on peut aussi DANSER sur Container !
Eric Debarnot