La disco et le funk peuvent-ils être punks ? Oui, répondent las Kellies, avec leur cinquième album, Suck This Tangerine !
Être punk, c’est avant tout une attitude, un mélange d’amateurisme volontaire, de volonté de communiquer simplement des idées fortes, et surtout sans doute un désir d’émulation, autour du concept, aussi idéaliste que légèrement mensonger : « tout le monde peut faire de la musique, ne laissez pas la technique vous empêcher de vous exprimer… ». La musique punk ne se réduit donc pas à des guitares furibardes sur une rythmique emballée dans des chansons de moins de deux minutes. Et c’est bien l’illustration – réjouissante – de ce concept que nous propose le duo porteño Las Kellies, qui appliquent la « philosophie punk » à la disco, au dub et à la dance music en général…
« Despite the clouds / Despite the wind / Despite water / We all dance! » (Despite)
Suck This Tangerine est déjà le cinquième album de Cecilia Kelly et Silvina Kelly (de son vrai nom Silvina Costa) – qui officiaient auparavant dans un format de trio avec le renfort d’une bassiste -, deux jeunes femmes argentines qui, depuis le début d’une carrière entamée voilà 15 ans déjà, déclinent le rock garage dans des versions dansantes. Et cet album marque une distance de plus en plus marquée avec les origines garage et post punk de Las Kellies, dont ne subsisterait que le son de guitare agressif de Ceci, tranchant avec l’ambiance très funky, voire parfois afro-beat des chansons : l’irrésistible He’s Who’s fait d’ailleurs plus que rappeler l’approche des Talking Heads – en moins foisonnant, quand même – à l’époque de leur révolutionnaire Remain in Light !
L’indéniable maîtrise vocale du duo dissimule parfois la banalité de certaines compositions, et Suck This Tangerine ne comporte guère de singles vraiment accrocheurs au-delà de Closer… mais, et c’est le plus important, toutes les chansons de l’album ont la même vertu dansante. Las Kellies conjuguent parfaitement l’efficacité rafraîchissante d’un gros groove avec la simplicité de paroles-slogans parfois scandées avec la détermination de nos chers B-52’s (le groupe d’Athens étant une autre influence reconnue par las Kellies…) : « I can go where, where I want / I can eat what, what I choose / I can spend on, what I wish / I can wear what, what I please » (Rid of You)…
Ce qui ne veut pas dire que Ceci et Sil n’ont pas recours non plus à des ambiances plus éthérées, plus rêveuses (sur White Paradise par exemple…), voire même franchement nonchalantes (Despite) pour varier l’atmosphère d’un album qui évite habilement de tomber dans l’ornière de l’uniformité. C’est néanmoins lorsque notre duo accélère le rythme et augmente la pression, comme sur Rid of You ou sur Weekdays, qu’il s’avère le plus convaincant… Ce qui suggère que ce sera sur scène que les vrais qualités de Las Kellies se révéleront…
Eric Debarnot