Avec ce récit d’aventure en mer basé sur une histoire vraie, Guillermo Corral et Paco Roca parviennent à nous passionner pour une longue bataille juridique a priori austère.
En 2007, une multinationale américaine spécialisée dans la découverte de trésors annonce avoir retiré pour 500 millions d’or et d’argent d’un galion inconnu. Ce dernier ne pouvant être qu’espagnol, l’homme d’affaires propose de partager le magot avec l’État hispanique. Le ministre de la culture refuse et charge Alex, un jeune diplomate, de la bataille juridique. À lui d’identifier le navire et de réclamer, devant la justice états-unienne, la pleine propriété du pactole.
Un trésor perdu, une bataille navale, un pirate avide et sans scrupules, des voyages, un héros et des compères intègres, un dessin conforme au canon de la ligne claire : les références à Tintin sont assumées, si ce n’est qu’aujourd’hui, il n’est plus question chasser les trésors, mais de défendre les intérêts de l’État espagnol face aux prédateurs américains.
Auteur du remarquable La Tête en l’air, sur la maladie d’Alzheimer, le dessinateur Paco Roca adapte Le Trésor du Cygne noir, un roman de Guillermo Corral. Il prend son temps et 216 pages pour développer son histoire, inspirée de faits réels, présenter ses personnages, diplomates et avocats, agents secrets et hommes politiques, espagnols et américains. Il alterne les séquences de conversations avec quelques scènes d’action parfaitement découpées, une tempête, un atterrissage mouvementé ou une poursuite en camion. Il prévient le risque de monotonie en traitant différemment les longs monologues. Les perspectives sont justes, ses personnages bougent peu mais bien, la couverture est magnifique, tout au plus peut-on regretter une polychromie trop sévère.
Véritable diplomate espagnol, Guillermo Corral est écrivain. Un double cursus qui fut longtemps une spécialité du Quai d’Orsay, de Paul Claudel, Paul Morand, Jean Giraudoux, Romain Gary, Jean-François Deniau à Jean-Christophe Rufin.
Roca et Corral parviennent à nous passionner dans la lutte, a priori inégale, entre le magnat et les petits fonctionnaires. Alex est bien aidé par Elsa, l’historienne et Gold, un avocat renommé. Les échanges au ministère ou face à la presse, les tentatives d’intimidation ou de corruption, tout sonne juste. Si le scénariste se fait pédagogue, il n’oublie pas de nous surprendre. Ce Cygne noir est une belle surprise.
Stéphane de Boysson
Le Trésor du Cygne noir
Scénario : Guillermo Corral
Dessin : Paco Roca
Édition : Delcourt
Collection : Mirages
216 pages – 25,50€
Sortie : 5 février 2020
Le Trésor du Cygne noir – Extrait :
