Retour, en ces temps de consommation compulsive de séries TV, sur la très bonne première saison de The Sinner, honnête travail d’enquête « psychanalytique » sur l’origine de notre folie.
Une série policière qui se concentre avant tout sur le versant psychologique, voire psychanalytique, du parcours de ses personnages, ça ne se refuse pas, en ces temps où l’efficacité narrative est devenue le souci numéro 1 des Séries TV (souci qui ne les empêche pas, on le sait, de nous offrir des récits régulièrement trop longs, tiraillés qu’ils sont par la nécessité d’une durée « commerciale » standard…). La première saison de The Sinner débute par un acte sauvage, qui crée un indiscutable effet de sidération sur le téléspectateur : il s’agira ensuite de faire ensemble tout le trajet à rebours, pour comprendre ce qui a amené la criminelle à cette explosion de violence, et le travail du détective s’apparentera complètement à celui que ferait un psychanalyste (curieusement, et l’on ne sait pas trop s’il s’agit là d’une dérive de la justice américaine, la question de la santé mentale et l’hypothèse de « soins » n’est pas à l’ordre du jour ici…).
Bien sûr, et on n’échappera pas aux poncifs du genre, l’enquêteur souffrant lui aussi d’un trauma – relativement similaire à celui de « l’héroïne » -, qui justifiera son empathie et son obstination… Ce qui nous vaudra quelques scènes de soumission qui s’avèrent plutôt embarrassantes, sans que l’on ne sache vraiment si cette « gêne » vient de la relative grossièreté de leur représentation, ou bien de ce qu’elles sont finalement plutôt crédibles. Si l’on ignore cette « scorie » (mais en est-ce une ?) ainsi que l’inutilité – et la maladresse – de la touche lesbo-incestueuse lors de la « révélation » finale, The Sinner nous offre un voyage plutôt sérieux à travers un passé de souffrance qui pourra renvoyer certains d’entre nous à des questions personnelles sur son enfance : la question de la « culpabilité » et du « droit à l’amour maternel » ayant une indéniable – et bien connue – universalité, même si la description de l’hystérie puritaine lui confère ici une spécificité bien américaine.
Si Jessica Biel, co-productrice, ne démérite pas dans son interprétation d’une jeune femme perdue, soulignons surtout le plaisir cinéphile de retrouver dans un beau rôle Bill Pullman, qui reste à jamais le protagoniste de la Lost Highway de Lynch, et qui porte toujours sur lui les séquelles de cette magnifique étrangeté.
Eric Debarnot