Comme c’est malheureusement souvent le cas, la seconde saison de la Trêve reprend à la lettre les mécanismes de la première, et risque bien de décevoir les téléspectateurs qui avaient été séduits par l’atmosphère de la série…
20 ans après la naissance de la série TV moderne, qui aura finalement constitué l’une des plus grandes révolutions du Cinéma (paradoxe), nous sommes entrés dans l’ère des « série-fils »… pour ne pas dire des « copistes » : si la Trêve est une très belle réussite dans le paysage pas encore trop excitant de la série francophone, un quasi sans-faute qui nous tiendra en haleine le long de 10 riches épisodes, il s’agit aussi d’un véritable dictionnaire de références (intelligemment traitées, mais là n’est pas la question…).
En partant de la matrice Twin Peaks (un meurtre dans une petite ville isolée dans les bois conduira un flic venu dans l’extérieur à révéler les secrets et perversions qui se dissimulent derrière l’apparente tranquillité bucolique des lieux), Stéphane Bergmans, Benjamin d’Aoust et Matthieu Donck recyclent avec beaucoup l’habileté les fameux mécanismes de The Killing, soit une fausse piste et un faux coupable (au moins) par épisode jusqu’à ce que le téléspectateur rendu paranoïaque en vienne à soupçonner l’insoupçonnable. L’histoire est narrée sous forme de flashback à partir d’une scène d’ouverture en forme de trauma sanglant dont on devra découvrir le sens au bout d’un long cheminement, comme dans Damages. Chaque épisode (ou au moins les 7 premiers…) débute systématiquement par un rêve comme Six Feet Under lançait sa narration par un décès. Comme dans True Detective, le flic est un être profondément malade, dont les délires hallucinés semblent régulièrement contaminer la réalité, etc. etc. (On pourrait également citer Broadchurch si cette dernière ne faisait pas finalement tout autant partie du même courant de « redite »…).
Ceci n’empêche pas qu’il y ait maintes raisons d’applaudir cette « version belge » de fictions et de mécanismes désormais bien connus : l’inscription de ces codes dans un paysage ardennais et dans le microcosme belge fonctionne remarquablement, et les thèmes de la corruption du football de troisième division ou des pratiques sadomasochistes en milieu campagnard ont une belle « fraîcheur », qui aident à distinguer la Trêve de ses contemporaines anglosaxonnes. Quelques maladresses, dans le calendrier par exemple (un mois de mars bien estival…) mais aussi dans l’interprétation pas toujours au top, ne gâchent pas notre plaisir devant une mise en scène élégante et une narration bien conduite…
Revenir dans le détail sur les réflexions que nous avait inspiré la première saison d’une série qui, comme beaucoup d’être, n’avait aucune raison d’être prolongée (si ce n’est son succès…), s’avère littéralement mortel à l’heure de faire le bilan d’une seconde saison… qui reconduit à l’identique les mêmes « défauts », en ajoute de nouveaux, et semble avoir perdu beaucoup de son charme. Basé sur une intrigue policière non dénuée d’intérêt, et qui se conclut proprement sur une fin simple, logique mais tragique, la Trêve nous perd pourtant à force d’envisager des hypothèses jamais complètement explorées, et surtout jamais réellement conclues : le téléspectateur aurait finalement bien aimé savoir ce qu’il advient de ces personnages secondaires (comme le couple bien barjot formé par la sœur de la victime et son répugnant mari, ou comme le médecin pervers qui semble abandonné à ses vices…) qui ont – souvent trop brièvement – interféré avec l’enquête de Peeters, et dont le parcours est finalement plus intéressant que celui des personnages principaux, qui semblent, eux, englués au long de 10 épisodes parfois fastidieux dans les mêmes problématiques, les mêmes obsessions.
De plus le choix d’ouvrir franchement la série sur le fantastique, avec l’intervention d’un improbable voisin médium, désamorce complètement les hallucinations psychotiques de Peeters, et symbolise finalement bien l’indécision de scénaristes qui ne savent pas vraiment choisir un propos clair dans cette saison, et choisissent de saturer leurs fiction d’épisodes incohérents, parfois même ridicules (l’histoire de la « secte » partouzeuse des artistes contemporains est particulièrement désagréable à force d’accumuler des clichés) : dans un bon thriller, l’accumulation est bien souvent l’ennemie de l’efficacité.
Une fois encore, les erreurs de temporalité se multiplient, en particulier dans la dernière partie (on sourira à une erreur de date dans les dialogues, d’ailleurs corrigée dans les sous-titres !) où l’on ne sait plus très bien si l’on est le matin, le soir, ou à un quelconque autre moment de la journée, les Ardennes Belges semblant à nouveau bénéficier d’un soleil permanent qui les apparente plutôt à un pays méditerranéen ! Plus que dans la première saison – à moins que notre bienveillance se soit épuisée – Les acteurs sont généralement mauvais, ou tout au moins mal digérés, et font déraper de nombreuses scènes dans la parodie, ce qui n’était clairement pas le but.
Bref, la Trêve a atteint ici clairement ses limites, et on ne peut que redouter la troisième saison que semble nous promettre la fin quasi-suspendue de dernier épisode…
Eric Debarnot