Première série inclassable de l’année, Tales From the Loop, des « contes de la boucle » SF, indéfinissables et intemporels,qui touchent directement à ce qui fait l’humain : le coeur.
D’abord, un concept.
Le créateur de cette étrange série, Nathaniel Halpern, s’est inspiré des mystérieuses oeuvres de l’artiste designer suédois Simon Stålenhag, connu pour ses tableaux rétrofuturistes mêlant paysages désolés et machines-robots souvent laissés à l’abandon. Sur ce matériau visuel, il construit un monde différent (futur ? passé ? présent ? on ne sait pas, on se rapproche beaucoup de Barjavel sur ce point) où les habitants d’une bourgade rurale américaine travaillent pour la plupart sous la terre dans « The Loop », un open-space technologique censé comprendre les mystères de notre Univers, et agir dessus. Quand des bugs apparaissent, les héros de la série se perdent dans des boucles spatio-temporelles, les confrontant ainsi à leur destin, leurs choix, les conséquences de leurs actes ou du pur hasard… Oui, le concept est vertigineux, le traitement plutôt simple, si tant est qu’on se laisse porter par ce que nous voyons. Et le résultat est simplement bouleversant.
Ensuite, le rapport image-son.
Tales From the Loop choisit le mode contemplatif pour embarquer le spectateur dans ce qu’on pourrait croire au premier abord comme une énième fable SF. Huit épisodes, huit histoires quasi-indépendantes où les personnages, souvent mutiques, sont confrontés à leur propres décisions, destins, ou bien liés à un moment donné à d’autres personnages d’autres épisodes. Un mince fil existentiel les relie parfois, au milieu de sublimes séquences nourries d’images contemplatives, comme des oeuvres d’art suspendues dans le temps, avec en fond musical l’incroyable musique de Philip Glass et Paul Leonard-Morgan, avec un piano mélancolique et minimaliste qui rappelle souvent le score de Max Richter pour The Leftovers, série majeure à laquelle on pense en regardant Tales... Accompagnant chaque moment bouleversant, élégiaque ou réflexif des épisodes, le son omniprésent et déchirant finit de nous emporter et de nous achever.
Enfin, le message.
Que dit, finalement, ces fables SF étonnantes ? Rien de concret, et en même temps, tout de ce qui fait l’humain. Comme pour The Leftovers, c’est peut-être à ça que l’on mesure les grandes séries, ou du moins celles qui restent, qui nous parlent, qui nous secouent. Raconter ce qui se trame dans ces histoires de toute beauté, c’est comme proposer aux gens de sonder ce qu’ils ont au fond d’eux-mêmes. Chacun verra, pensera, réagira de différente manière à ce qu’il aura vu ou compris. Donc, évoquer la série dans cette chronique, c’est proposer SA vision, et cela ira à l’inverse de ce que souhaite le créateur, c’est à dire appréhender les situations à l’aune du vécu ou du ressenti de chacun. Vous dire que le deuxième et le sixième épisode m’ont ému aux larmes n’est finalement qu’un simple avis sur une série qui touche à l’intime, à l’universel, à l’humain tout en imaginant un monde qui n’existe pas. Mais qui pourrait.
Moralité
Comme toute fable, une fin en guise de pensum : regardez, soyez bouleversés – ou pas, si vous n’avez pas de coeur… ! – et on en reparle.
Jean-françois Lahorgue