Un peu plus de deux ans après le retour au bercail de leur batteur, le trio de Toronto Born Ruffians revient avec Juice, un album direct et explosif.
JUICE, sorti en France sur Yep Roc Records, est le 6è album des canadiens de Born Ruffians, groupe généralement apprécié des amateurs de rock alternatif, bien qu’ayant parfois été malmené par la critique. En même temps, 15 ans de carrière, ça laisse le temps pour réussir et pour se planter. La dernière fois qu’on les a entendu sur album, c’était juste après le retour dans l’équipe de leur batteur d’origine, retour que certains avait qualifié de salutaire. À raison : Uncle, Duke and the Chief était un très bon album. Qu’en est-il de JUICE?
Avec JUICE, les Born Ruffians reviennent avec un album sans conteste très abouti. On se rend compte encore une fois que le groupe maîtrise à la perfection l’art de la construction d’une chanson pop. Chaque piste fourmille d’idées d’arrangements, et on voit bien que les morceaux ont été travaillés, poncés et polis longuement pour arriver à un résultat impeccable dans la forme. Une batterie qui éclate, des choeurs et des guitares qui surgissent, d’un coup tout s’arrête, un clavier harmonise, puis tout repart d’une autre façon, sans pour autant perdre la cohérence. Chaque morceau nous rappelle sans cesse à lui, comme un orateur qui ne voudrait pas perdre l’attention de son public, et ce n’est pas désagréable.
En termes d’ambiance, le groupe a quelque peu laissé de côté le punk naïf à la Violent Femme de Uncle, Duke and the Chief pour aller vers un rock 70’s un peu plus léger. Malheureusement, on a l’impression qu’ils ne s’y retrouvent pas vraiment. Les chansons sont certes très bien ficelées, très catchy, mais on a du mal à y déceler de l’émotion. Même les membres du groupes semblent s’en rendre compte, à voir leurs têtes dans le clip de I fall in love every night, le morceau d’ouverture – dont l’objectif premier semble être de nous dire « Restez ! Il va se passer des trucs ! ».
« I dedicate this to everyone who thinks they’re better than me / It’s easy to see how I could agree »
Poétique, sombres, presque dépressifs parfois, les textes révèlent une sensibilité qui semble mal s’accommoder des suites d’accords trop légères de morceaux tels que Dedication, The Poet ou même I fall in love every night.
C’est donc logiquement sur les morceaux plus sombres que le groupe va toucher juste, avec Breathe et ses choeurs/guitares à la Pixies, ou le nonchalamment épique Squeaky et ses effets de voix qui arrivent au bout de 3 minutes, frôlent du doigt le mauvais goût, mais fonctionnent. Une vraie prise de risque assez rare dans cet album et qui fait plaisir. Au final, deux morceaux avec des vraies mélodies qui portent le texte et des émotions, des éléments qui font parfois défaut aux autres titres de l’album.
Restons justes, JUICE n’est pas un mauvais album et les morceaux marchent bien. Mais le groupe a montré qu’il pouvait être plus inspiré, et la plupart font l’effet de bonnes recettes pour lesquelles on n’aurait pas utilisé les meilleurs ingrédients. Un album qui reste dans l’ombre de son prédécesseur donc, et nous laisse un peu sur notre faim.
Adrien Allegre