Était-ce une bonne idée de relancer en 2020 le concept des Histoires Fantastiques créées par Spielberg en 1985 en hommage aux créateurs de son enfance ? Apple TV+ y a cru.
En 1985, Steven Spielberg, nostalgique des comic books et des séries télévisées de son adolescence (en particulier The Twilight Zone) qui avaient construit son amour pour le fantastique, la science-fiction, mais aussi les spectacles « populaires », produisait deux saisons de Amazing Stories (en français, Histoires Fantastiques) : rien d’extraordinaire, l’innocence des années 60 étant bel et bien envolée, et ce malgré des réalisateurs de talent (Eastwood, Scorsese, Zemeckis, Dante, Kirshner, Spielberg lui-même, etc. !!!) et des castings de luxe.
Nous sommes en 2020, et les responsables du lancement de la plateforme Apple TV imaginent malin de demander à Spielberg de relancer son projet… mais cette fois sans réalisateurs de talent ni casting de luxe. Et en seulement 5 épisodes de 50 minutes pour une première saison que l’on imagine être plus un effet d’annonce qu’un véritable « test ». Et surprise, surprise, le téléspectateur « moderne » a relativement peu de chances de trouver son bonheur dans cette « anthologie » qui est désormais le remake d’un remake, et qui, pourtant, continue à s’accrocher à une esthétique années 60, entre nostalgie et ringardise, et à des scénarios recyclant surtout des concepts vus et revus des dizaines de fois, à la seule fin de nous donner de gentilles « leçons de vie », si ce n’est même des « leçons de morale ».
Amazing Stories 2020 est bien entendu tout sauf désagréable, si l’on a admis une bonne fois pour toute que le temps s’était arrêté il y a quarante ans de cela : ces cinq histoires présentent même une certaine homogénéité dans leur respect des traditions un peu poussiéreuses en termes de narration, de personnages, de construction, voire même de mise en scène… à l’exception peut-être de la seconde (The Heat) qui s’essaie, assez maladroitement quand même, à « actualiser » son histoire de fantômes grâce à l’amour gay entre deux adolescentes black (donc à remplacer les clichés « familiaux » d’antan qui perdurent dans les quatre autres épisodes par de nouveaux clichés « politiquement corrects » d’aujourd’hui…).
https://youtu.be/8sa8EDeb3eQ
Cette série ronronnante – et donc tout sauf « amazing » ! – peut se regarde « en famille » avec une bonne dose de bienveillance, voire même procurer ces petits plaisirs doux qui naissent de la complicité que l’on ressent envers des stéréotypes bien aimés : de l’histoire d’amour à travers les siècles de The Cellar, pâle copie du Somewhere in Time de Richard Matheson et Jeannot Schwarc, à la désormais classique revisite « méta » des super-héros par leurs fans (Dynoman and the Volt!!) qui nous touchera surtout parce qu’il s’agit là de la dernière apparition à l’écran de Robert Forster), en passant par une mystérieuse possession par des entités extraterrestres (Signs of Life), rien de bien nouveau sous le soleil.
Mais ce qui inquiète vraiment, c’est le sentiment que, cette fois, l’ami Spielberg, ce réalisateur qui a réussi au long de sa filmographie à maintenir une certaine dignité dans ses films, « lâche la rampe » : le cinquième et dernier épisode, The Rift, accumule les références aux thèmes fondateurs du « maître » (un pilote perdu, des agents gouvernementaux aux sombres dessins, un enfant orphelin à la recherche de l’image du père mais surtout d’une nouvelle famille,…) en une relecture superficielle, dérisoire, qui frôle la sénilité.
Bref, Amazing Stories 2020, c’est comme la véritable « madeleine de Proust » : on peut avoir envie d’y goûter pour retrouver des sensations de notre enfance, mais ce qui nous restera finalement dans la bouche, c’est surtout un goût de rance des plus désagréables.
Eric Debarnot