Le poète parfait de l’indie retrouve le fil conducteur de sa vie, et accepte enfin de publier un nouveau disque, humble et honnête, nourri de lumières et de cicatrices. Un disque de retrouvailles avec lui-même.
« Tout va bien ». Quand un chanteur s’annonce ainsi, c’est que rien n’allait avant. Pourtant Alex Brown Church, tête pensante de Sea wolf, a déjà publié 4 disques tous aussi beaux et appréciés par la critique, et a même laissé en chemin, sans le publier, un album pour n’avoir aucune cohésion. Il lui a fallu traverser une forêt sombre, peuplée de ruptures et d’absences, pour resurgir et nous offrir sa version personnelle de l’optimisme.
Sea wolf, capitaine étrange de Jack London, a enfin retrouvé la direction des studios avec sa troupe de musiciens, plus osmose que groupe, et son label fétiche. Un opus armé de thèmes comme toujours faits d’une base triste et calme enduite dans l’espoir. Il propose en ce début d’année tourmentée, un disque imbibé d’une certaine chaleur humaine, dans des tempos calmes, enrobés d’une acoustique tout à fait onirique. Il inclut, ici et là, des clins d’œil légèrement électriques d’une tranquille grandiloquence, de charmantes mélodies qui n’écorchent, ni n’endorment.
Through A Dark Wood est un disque qui orbite dans des limbes sonores où, finalement, le but est de toucher la lumière, se sentir en paix. Un bien être simple atteint sur des chansons comme Blood pack, où il s’approche de l’univers sonore de Fink ou Patrick Watson, sans que sa musique arrive à être aussi nue, ni sans être aussi naïf qu’un Ray Lamontagne. Il prend aussi des accents sonores grandioses d’Arcade fire et se régénère dans des chansons intimes et denses que Death cab for cutie aurait aimé signer. L’écoute de Breack it down ouvre, quant a lui, des horizons qui roucoulent dans nos ouïes comme des trésors acidulés.
C’est un travail sérieux, doré, agréable, fait avec gentillesse et élégance, d’une timidité à fleur de peau, dont la force réside dans cette quête du bonheur dans un son lumineux. Ce disque est en grande partie autobiographique, il narre la survie après un rupture, un décès, la sortie d’un bois sombre. C’est alors une introspection plaisante, menée par des paroles comme toujours savoureuses, une poésie urbaine et actuelle. Fear of failure en est la preuve, mélangeant savamment les étendues mélodiques californiennes, et la prose saxonne proche des songes de Ben Howard.
Il faut rajouter à cela, le talent indéniable de composition d’Alex pour assembler cordes, claviers et batteries dans l’atmosphère qui lui est chère. Alex est un véritable chef d’orchestre, aux idées claires, auxquelles sa troupe adhère à cent pour cent. Il est un grand créateur de mélodies prenantes et envoûtantes, ce qui se reflète parfaitement dans chaque son extrait de chaque instrument. Il se montre aussi perfectionniste de chaque milligramme de son art. Nous avons dans nos mains, ce typique album qu’il fait bon écouter quand l’ombre guette, calmement assis face aux paysages, les yeux clos, et ce léger sourire aux lèvres, à l’orée du bois, ou plutôt, à sa sortie.
Guillaume Mazel