Comment un projet créatif complètement atypique a donné un album tour à tour ludique et enchanteur : stimulé par Cléa Vincent, KIM nous offre avec les Sessions du Carreau une expérience artistique inattendue.
KIM : « Les sessions du Carreau, c’est une invitation de Cléa Vincent… »
Cléa : « Mais grave ! »
KIM : « … dans son studio, à improviser des chansons ! »
… tout est dit, ou presque, dans cette entraînante introduction du nouvel album/OVNI de notre grand (par le talent) KIM, quelque part entre Jacques Demy et la bande sonore du cinéma muet d’antan.
Décembre 2019 : en résidence au Carreau du Temple, Cléa Vincent, séduite par la très belle sonorité du piano, conçoit le projet de construire à plusieurs mains, en invitant des amis artistes, un album compilant des improvisations. Mais, comme les choses ne sont pas simples dans cette belle histoire, il ne s’agit PAS de cet album-ci, qui fut, lui, conçu par KIM comme une sorte de « side project », ou plutôt comme ce qu’il qualifie lui-même « d’appendice » au travail de Cléa. Car lui-même enthousiasmé par le concept, notre cher KIM s’est lancé à corps perdu dans l’aventure, et en a fait bien plus que ce que Cléa lui demandait ! Il a d’abord improvisé au piano pendant une quarantaine de minutes – alors qu’il est, de son propre aveu, tout sauf un « vrai » pianiste, et qu’il s’est plutôt laissé emporter dans une sorte « d’onanisme » incontrôlé, qu’il a « fait son kéké » -, fournissant à cet album sa première partie, cachée derrière des titres-pièges (vous ferez-vous prendre ?). Il est ensuite revenu au studio avec plusieurs chansons déjà existantes, comme Soulevant (composée avec Cléa il y a dix ans de cela) ou Solenn (sur laquelle c’est Cléa qui l’accompagne au piano), ainsi qu’un nouveau morceau, Simon… ces chansons constituant la seconde partie, un peu plus traditionnelle, d’un album construit de manière chronologique, et non selon les principes du marketing tout-puissant qui veut qu’un disque commence toujours par ses titres les plus forts.
Car ici, les amoureux de musique émotionnellement brute, oserait-on dire « pure », seront probablement littéralement emportés, bouleversés peut-être par la « seconde face » de ces Sessions du Carreau, qui atteignent une simplicité réellement majestueuse, qui évoquera à certains les tous débuts d’un Philippe Katerine, et à d’autres le travail du regretté Daniel Johnston (ce génie absolu dont on sait que KIM est le fan numéro 1 en France, ce qui tombe bien…). C’est dire le niveau auquel on plane ici.
Coronavirus et confinement obligent, la sortie du projet de Cléa Vincent a été repoussée, tandis que KIM a décidé de répondre aux contraintes de ce « nouveau monde », auxquels ni les artistes ni le public n’étaient préparés, en augmentant encore son rythme de publication – on attend de lui un nouvel album chaque mois dans le trimestre qui vient ! – et en misant sur le digital et les réseaux sociaux. Le résultat est pour l’instant remarquable : voilà un projet inhabituel, tant par son origine que par la manière dont il a évolué et a été mis en forme, qui a produit un album à la fois léger, amusant et profondément touchant.
En 4 jours, les sessions du Carreau (reprise), qui conclut en 42 secondes l’album, a déjà accumulé près de 4000 vues sur YouTube. Le bon côté du « nouveau monde » ?
Eric Debarnot