Prévu à l’origine pour le Disquaire Day 2020, le « nouveau Bowie » vient de sortir sur les plateformes de streaming. Et, surprise, surprise, il est SUBLIME. Explications.
Ne pas se laisser abuser par le titre de cet album (Don’t be fooled by the name… clin d’œil aux fans) : la référence à diverses compilations archi-commerciales publiées du vivant de l’Artiste musical le plus important du XXè siècle (oui, on ose, et sans ressentir aucune gêne d’exprimer ainsi notre amour absolu !) est totalement trompeuse. Car ce titre aussi banal que… mensonger cache un VRAI album de Bowie, et même l’un de ses plus beaux : il ne contient certes que des titres déjà connus – mais aucun véritable succès commercial, il faut le souligner -, dans des versions toutes bien différentes des originales, et pour la plupart – et nous pesons nos mots – sublimes !
Il s’agit ici d’un enregistrement rare – seulement diffusé à l’époque par la BBC – ayant eu lieu peu avant le concert de ses 50 ans au Madison Square Garden de Janvier 1997, datant donc d’une époque où Bowie était plutôt dans une phase plutôt expérimentale et largement électronique, entre les deux réussites artistiques que furent Outside en 1995 et Earthling en 1997. Il est donc surprenant de l’entendre reprendre ici certaines des chansons les plus intimistes, les plus personnelles sans doute de son répertoire des années 70, surtout avec une délicatesse, un raffinement dont il avait perdu l’habitude depuis le début des années 80 et l’explosion de sa célébrité planétaire.
La moins bonne chanson de ChangesNowBowie, dont on aurait pu éventuellement se passer, est le Shopping for Girls de Tin Machine (ce qui n’est pas, du coup, une surprise), joué dans un esprit « country avec pedal steel guitar » qui a le mérite de surprendre. Pour le meilleur, on n’a que l’embarras du choix, et on pourra se déchirer durant de longues soirées entre fanatiques de Hunky Dory (Andy Warhol, Quicksand), de The Man Who Sold the World (The Man Who Sold the World, The Supermen immense titre « metal » qu’il est formidable d’entendre dans une version aussi retenue), de Ziggy (Lady Stardust, à notre connaissance jamais interprété avec cette émotion) ou d’Aladdin Sane (Aladdin Sane, justement…, mais chanté en duo avec Gail Ann Dorsey et joué à la guitare acoustique, avec juste une courte intervention de Mark Plati au piano !). Une chose est certaine, ces chansons « classiques » qui rivalisent, on le savait déjà, de perfection, sont interprétées ici avec un degré d’émotion inhabituel chez ce génie qui était aussi un obsédé du contrôle, de l’apparence, et était connu pour ne jamais baisser la garde, ne jamais dévoiler complètement son véritable visage derrière ses multiples « persona ».
A noter un seul moment vraiment « Rock » parmi ses sessions, mais pas n’importe lequel, sa reprise de l’immortel White Light / White Heat du Velvet Underground, dans une tonalité post-moderne, décalée qui rend pourtant hommage au génie de Lou Reed. Cerise sur le gâteau : le son est absolument remarquable, à la fois lo-fi si l’on veut et très clair, loin des normes actuelles de compression.
Bon, puisqu’il s’agit ici de notre chronique, et que cela nous autorise d’imposer notre opinion, avouons en toute sincérité que la conclusion de l’album sur un Quicksand invraisemblable de finesse nous laisse absolument transi et en larmes : « Don’t believe in yourself, don’t deceive with belief / Knowledge comes with death’s release / Aah-aah, aah-aah, aah-aah, aah-aah ».
Elle n’est pas près de s’éteindre, notre étoile noire.
Eric Debarnot