En 1995, Tsui Hark n’est plus un inconnu à Hong Kong. Réalisateur prolixe et protéiforme qui hante depuis déjà quelques années le cinoche made in HK s’attaque au mythe du guerrier manchot et va livrer au monde un objet cinématographique inclassable.
Tsui Hark vient violer le classique film d’arts martiaux Chinois en lui injectant noirceur, ultra-violence et nihilisme dans un tourbillon d’images à couper le souffle. Tsui Hark en apesanteur rénove le Wu xia pian en un film, le ressuscite des morts et le trucide dans un même geste cathartique laissant les spectateurs lessivés… et fascinés.
La Chine. Le Moyen-Age. La mort tragique d’un père. Des bandits ultra-violent. Un triangle amoureux. Un bras en moins. Un tueur tatoué.
Voilà ici les quelques mots-phare auxquels se raccrocher dès que le film va commencer.
Parce qu’ici l’histoire n’est qu’un prétexte, un simple fil sur lequel le grand Tsui Hark va marcher en funambule, au dessus du chaos cinématographique qu’il est en train de créer.
On sait depuis longtemps déjà, depuis Butterfly murders et Zu, les guerriers de la montagne magique qu’ Hark n’est pas le cinéaste de la linéarité scénaristique, de l’intrigue au poil de cul.
Le Sino-vietnamien est un auteur de l’image, un créateur de mouvement, un accélérateur de particules.
Alors toi qui regarde ce film, tu es prévenu !
Ne t’attend pas à ces films made in HK aux plans fixes, ces Wu xia pian chorégraphiés façon « Opéra de Pékin » où l’on est plus dans la danse façon menuet que dans la baston stratosphérique.
Ici c’est l’enfer !
Le mythe du « guerrier manchot » se régénère.
Chang Cheh, déjà, avait surpris en 1967 avec cette nouvelle violence graphique. Tsui Hark, lui, continue ses expérimentations stylistiques et développe son nouveau langage.
Un langage de fureur cinématographique. Une caméra vivante, qui te brutalise, qui te met des beignes et des grands coups de pieds dans les burnes. Un Chiu Man-cheuk à l’image du Paris Gaullien : Chiu Man-cheuk battu, Chiu Man-cheuk torturé, Chiu Man-cheuk amputé mais Chiu Man-cheuk libéré !! Désirant avant tout savourer les fruits d’une vengeance qu’il n’en peut plus de manger froide.
Et tout à coup, on y est. Le final ! Le combat final !!! APOCALYPTIQUE !!
Il va la prendre sa revanche, le gamin !
Mais il est balèze Le tatoué !! (Le charismatique Hung Yan Yan chorégraphe des combats du film)… C’est parti !
Un combat mémorable, où toute la maestria du cinéaste s’exprime avec une aisance effrayante. Les deux combattants sont magnifiques, les chorégraphies magiques. Le montage hystérique reste parfaitement lisible et renforce la violence des combats.
Ça y est ! Il l’a eu au tatoué le minot. Et de quelle manière !
The Blade est un grand film. Un bijou sombre et nihiliste. Une perle noire aux mille inventions visuelles. Le Apocalypse now du Wu Xia Pian, le Chambara avant-gardiste, qui restera à jamais : » LE » grand film de son réalisateur.
Renaud ZBN
Je ne remercierai jamais assez Nicolas Boukhrief de m’avoir fait découvrir The Blade du temps ou il présentait l’émission « mon Cine-Club » sur canal+ . Un chef-d’oeuvre.