Révisionnisme glamour d’une époque bien différente de ce qu’on nous en montre, ou bien uchronie optimiste ? Hollywood, la dernière mini-série de Ryan Murphy et Ian Brennan pose problème…
L’une des particularités de la série est que son long cours occasionne des fluctuations dans sa réception. Au terme de 6 heures de show, il n’est pas toujours aisé de résumer à une note et un avis général les différentes directions prises par un récit, et c’est particulièrement vrai pour cet objet hybride qu’est Hollywood.
Annoncée comme une incursion dans les coulisses de l’industrie du 7ème art au lendemain de la seconde guerre mondiale, la série pouvait promettre un regard acide propre à décaper le vernis de l’usine à rêves, loin du glamour de façade et plus proche de l’Hollywood Babylone déjà amplement dénoncée. Et en effet, les premiers épisodes abordent de front des questions généralement reléguées dans les zones non couvertes par les projecteurs : orgies homo dans les villas, prostitution, sort réservé aux femmes, aux noirs et aux juifs, toutes les cases sont cochées pour dénoncer l’hypocrisie d’un pays et de la vitrine glamour qu’il compte offrir au monde.
On n’apprendra pas grand-chose des coulisses en questions, et si le name dropping reste timide (une crise de Vivian Leigh, Cukor en organisateur de partouzes, et surtout Rock Hudson en gay benêt à la conquête de la célébrité), le récit occasionne quelques séances d’écriture, de production ou de contraintes de budget relativement intéressantes, et une primeur accordée à quelques femmes matures plutôt la bienvenue.
Mais la gestation du film, qui devient le fer de lance d’idées progressistes prend rapidement le dessus pour créer un groupe de jeunes premiers venus ruer dans les brancards, tous unis pour défendre le catalogue des minorités.
On s’étonne au bout d’un certain temps d’un tel angélisme, où la solidarité prime, les acteurs se soutenant les uns les autres, les producteurs ont le cœur sur la main, et les cyniques du début finissent par faire amende honorable. On se frotte aussi les yeux sur l’idéalisme avec lequel on regarde l’âge d’or, où l’on ose s’embrasser entre hommes devant les journalistes et promouvoir la cause noire à un public qui finit par ne plus manifester et rejoint les rangs des spectateurs.
Pendant quelques épisodes, c’est un sentiment de quasi dégoût qui s’installe, à se farcir ce révisionnisme glamour où tout est passé à la moulinette d’un lissage Netflix qui vous fait passer la prostitution pour un numéro de comédie musicale, et vante des valeurs qui n’avaient pas droit de cité et posent encore aujourd’hui bien des questions.
Puis, à mesure que le feel good déboule son crescendo, on finit par se remettre en question : le duo Brennan / Murphy, après tout, est responsable de Glee, qui a l’air de bien correspondre à cet éloge mièvre et naïf de la diversité, et pourrait tout à fait assumer ce qui devient clairement une uchronie utopiste. Ou comment le Hollywood du XXIème siècle, en l’occurrence Netflix, reprendrait le glamour de l’âge d’or pour idéaliser la solidarité, l’entraide et l’éloge de la différence. Qui s’attend à un décapage en règle de l’hypocrisie du milieu en sera donc pour ses frais. Qui souhaite un teen / feelgood show prouvant qu’en 2020, les minorités ont davantage droit de cité dans le showbiz y trouvera la congratulation lénifiante que Netflix ambitionne de lui fournir. Il n’empêche qu’on serait bien curieux de savoir quelles tristes, cyniques, mercantiles et âpres vérités se cachent derrière la vitrine bien-pensante de ce triomphe moral.
Sergent Pepper