Arte diffuse un documentaire sur un groupe plutôt sous-estimé (en France en tout cas) mais à l’influence majeure sur tout le Rock et la Pop Anglaise des années 60 à nos jours : Les Kinks.
Un doc vivifiant sur Ray Davies et ses Kinks qui remet les pendules à l’heure et prouve que malgré la malchance qui collera aux basques du groupe durant toute sa carrière, ils resteront les éternels outsiders de la Pop made in England et les magnifiques trouble-fêtes du Rock Anglais.
Le Swinging London a amené son lot de genres, de modes et de groupes divers. L’Angleterre des années 60 s’émancipait des codes et des règles de vie trop rigides pour une jeunesse d’après-guerre avide de liberté et d’expérience en tout genres. La scène musicale n’échappera pas à ce soulèvement adolescent, à cette furie de la jeunesse. Beatles, Stones, Who sortent de terre, éclosent sur les trottoirs mouillés de Liverpool, Londres ou Manchester comme des champignons vénéneux qui contamineront la douce quiétude de la verte Albion.
C’est au nord de Londres dans le quartier populaire de Muswell Hill que les frères Davies vont voir le jour. C’est là qu’ils vont également monter leur groupe: The Kinks.
C’est d’une anecdote, une légende peut-être, qui va accompagner le premier succès du groupe: Dave Davies va percer la membrane du baffle de son ampli et obtenir ce son si caractéristique, ce son crade comme l’eau de la Tamise, éraillé comme un coup de craie sur un tableau noir.
You Really Got Me déboule dans cette nouvelle lutte pour un Hit-Parade désormais tout-puissant dans un déluge de décibels et anticipe de dix piges le Punk made in Great Britain.
Les Kinks sont lancés ! Et vont étonner.
Après les violences des débuts et un proto-Punk en gestation ( You Really Got Me, All Day and All of the Night ou Till the End of the Day), c’est la Pop, cette Pop sucrée et sans âge (Sunny Afternoon, Waterloo Sunset…) que Ray Davies va ciseler d’une main d’orfèvre. Une Pop racée, intelligente, des petites chroniques sociales emplies de nostalgie écrites avec un talent indéniable et une plume bien plus aiguisée que ses contemporains. Les charts ouvrent leur bras aux frères Davies –Sunny Afternoon détrônera même le Paperback Writer des Beatles à l’été 66 -, les disques se vendent bien, très bien même, mais la malchance, cette guigne qui collera aux basques du groupe durant toute leur carrière va s’abattre sur eux comme la pluie sur Londres.
Les Kinks seront privés d’Amérique ! La British Invasion qui verra Beatles, Stones, Who et consorts prendre d’assaut les Amériques et imposer un Rock British inédit, laissera au pied de l’avion l’un des groupes les plus prometteurs de sa génération.
Les Kinks restent à Londres. Les yeux perdus dans le smog et le coeur lourd, Ray Davies ne partira pas à la conquête de l’Ouest. Les bagarres entre membres du groupe et le caractère ingérable du leader des Kinks priveront les Anglais de gloire internationale…Mais décupleront leur créativité !
https://www.youtube.com/watch?v=VfUS0HkyEk0
Christophe Conte, ancien collaborateur des Inrocks, critique Rock connu et reconnu à la plume aussi jouissive que vacharde s’attaque au plus poissard des groupes Anglais. Conte auteur en 2019 de Glam rock : splendeur et décadence revient sur l’histoire tumultueuse des éternels outsiders du Rock Anglais en se focalisant sur le frontman du groupe Ray Davies. Génie incompris et dépressif chronique, Davies et ses Kinks investiront – et créeront – nombre de genres dans leur carrière. Du Proto-Punk, du Rock Garage des débuts aux concept-albums audacieux à la Pop solaire et grandiloquente ( The Kinks Are the Village Green Preservation Society, Arthur (Or the Decline and Fall of the British Empire) ou Lola versus Powerman and the Moneygoround, Part One qui flirte avec un Hard-Rock qu’ils contribuent à créer…) en passant par les fresques sociales, musicales et théâtrales du milieu des seventies ( Preservation Act 1 et Act 2), les Anglais prouveront tout au long de leur carrière, l’originalité de leur Rock’n’Roll, la créativité débridée de leur Pop, et ce, sans ne jamais faire aucunes concessions artistiques.
Il était temps de remettre les Kinks à l’honneur, de les replacer dans un contexte historique, social et culturel qui permet de réaliser, de comprendre l’importance énorme que les Londoniens ont eu sur le Rock des 60’s et 70’s. Des Jam à Madness, de Blur aux Arctic Monkeys, l’influence des Kinks est majeure et c’est ce qu’a voulu démontrer Christophe Conte en revisitant avec passion la grande et houleuse histoire des Kinks.
À regarder impérativement vendredi 15 mai à 22h25 Ou en ligne sur arte.tv du 9 mai au 13 juillet 2020.
Renaud ZBN