Et si, depuis le temps qu’il contribue de manière cruciale au fameux « Desert Rock », Brant Bjork trouvait enfin avec son nouvel album éponyme une vraie reconnaissance publique ? La belle simplicité et le groove « organique » de ses nouvelles chansons justifierait pleinement un tel succès…
Connaissez-vous Brant Bjork ? Non, ce n’est pas le frère caché de notre chanteuse islandaise favorite ! D’ailleurs l’absence de tréma le trahit, Brant est un bon Américain pur souche, originaire du désert californien, à Palm Desert, plus ou moins là où est né un mouvement musical aussi vigoureux qu’obstinément marginal (enfin, relativement, on se comprend…), le « Desert Rock », quelque fois marketé sous le nom de « Rock Stoner ». Car ce bon Brant fut ni plus ni moins que le batteur des séminaux Kyuss, ce groupe dont tout partit, et surtout les Queens of the Stone Age de son compère Josh Homme. Néanmoins, le limiter à ses dons – certes considérables – de batteur serait faire injure à son talent, qui s’exerce qui plus est dans une production pléthorique : cet album éponyme est en effet son douzième en solo, sans compter de multiples collaborations qui en font l’un de ces artistes prodigues (un peu à la Ty Segall ou à la John Dwyer) qui font la richesse du Rock californien.
Également chanteur, guitariste, producteur, Brant a mené à bien une multitude de projets, mais ce nouvel album, dont l’absence de titre souligne probablement l’importance personnelle qu’il revêt pour lui, pourrait bien marquer une nouvelle étape dans son travail : Brant Bjork s’approche cette fois de ce qu’on qualifie – parfois de manière péjorative – de « Classic Rock », sans pour autant renoncer à ses racines, perceptibles dans cette guitare rude qui arrive à tonner même dans les chansons les plus calmes.
Car ce qui séduit immédiatement, dès la superbe intro de Jungle in the Sound, c’est la sérénité et l’élégance – deux termes peu associés, historiquement, au « Rock Stoner » – de cette musique : d’un côté, l’amplitude, le sentiment d’espace, la respiration que l’on attribue naturellement à cette musique du désert ; de l’autre, une vraie maturité, mais qui ne se complaît pas pour autant dans le respect des « traditions Rock ». Le coup de maître de Brant, c’est d’aller chercher une forme d’intimisme, de simplicité, que l’on associe plutôt naturellement au folk, à la musique acoustique. Brant Bjork, dans un interview, expliquait qu’il avait le sentiment de s’être « rendu » à sa vraie nature : et c’est bien en effet une sorte d’humilité que l’on perçoit en écoutant ces chansons. Être créatif, ce qui a toujours été la préoccupation de Brant, ce n’est pas « faire le malin », ce n’est pas « rouler les mécaniques » en allant chercher des choses « extra-ordinaires », c’est écouter son cœur, c’est écouter son âme. Le fait de l’avoir compris, et surtout de l’avoir mis en pratique dans chacune des chansons composant cet album, élève Brant au-dessus de ses pairs.
Le résultat est un album toujours résolument « Rock », mais qui donne souvent envie de danser au soleil, avant de passer la fin de l’après-midi en se prélassant à l’ombre, une bonne canette de bière à la main. En repensant à tout ce que la vie peut nous apporter de bon, et en réfléchissant à la meilleure manière d’affronter ce qu’elle nous offre de moins bon…
Chacun aura, naturellement, sa chanson favorite dans cet album particulièrement homogène : entre Cleaning out the Ashtray, au riff têtu et à la guitare d’une classe folle, qui pourrait bien se transformer sur scène en tube orgasmique, et le groove « glam rock » d’un Duke of Dynamite qui a tout d’un tube intemporel, en passant par le classicisme confiant, « à la Tom Petty, oui, oui », de Jesus Was a Bluesman, il y en a pour tous les goûts, sans que jamais la cohérence de l’album soit remise en cause…
Et Brant Bjork se termine par Been so Long, une chanson toute simple, dénudée, où la voix de Brant fait des merveilles d’émotion. Qui ouvre une voie intéressante pour le futur de ce musicien décidément arrivé à un moment-clé de sa trajectoire musicale.
Eric Debarnot