Drôle de retour de Hanni El Khatib (et de son chien…) après un passage à vide qui l’a amené à revoir son approche de la musique : FLIGHT surprend au premier abord, avant de nous toucher par son honnêteté.
« Hanni El Khatib est un branleur, un mec pas sérieux. D’ailleurs c’est un faussaire, un mec qui joue au rocker, alors qu’il n’a aucune street cred », etc. etc. On en a déjà entendu pas mal des comme ça, quand on a le malheur de clamer notre amour pour le californien d’origine orientale (Palestine + Philippines, rappelons-le, car le cocktail nous semble à nous des plus détonants !). Aux nombreux contempteurs de HEK, on pourrait rappeler que Bowie essuyait les mêmes critiques en 1973, et que, plus près de nous, peu de gens prenaient au sérieux un slacker comme Beck à ses débuts… Mais il suffisait de se pointer sans préjugés à un concert de HEK pour comprendre que ce charlot, cet usurpateur était capable de mettre le feu en quelques accords à une salle toute entière plus sûrement que bien des rockers millésimés, et pour qu’il ne soit plus possible de douter de l’intensité de son « engagement » musical.
Pourquoi justement revenir sur ces critiques aujourd’hui, alors qu’Hanni sort son nouvel album, FLIGHT ? Eh bien, parce qu’on subodore que les critiques vont encore se déchaîner devant ce surprenant virage à 90 degrés opéré par notre ex-playboy du Rock Garage : avec l’aide son ami Leon Michels, acolyte de Mark Ronson, il s’agit semble-t-il de faire passer d’un seul coup d’un seul sa musique très 60-70’s au vingt-et-unième siècle. Adieu les guitares saturées, bonjour les samples, les batteries électroniques, le hip hop, et je ne sais quoi encore. Le choc est d’emblée sévère, et on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec l’audacieuse – et très réussie – tentative récente de Car Seat Headrest d’aller explorer de nouveaux territoires plus… modernes. Sauf que HEK tend ici les verges pour se faire fouetter, ou même la corde pour se faire pendre : voilà bien la preuve que sa musique était opportuniste, superficielle, puisqu’il peut changer aussi radicalement de style (NDR : remember David Bowie et son virage soul ?), non ?
Et bien évidemment, les choses sont plus compliquées que ça. D’abord Hanni vient de se payer un gros crash dans sa vie personnelle, l’équation sex + drugs + rock’n’roll lui ayant apparemment fait perdre les pédales, et l’ayant conduit au bout du rouleau. FLIGHT est donc l’album du retour à la vie, de la reconstruction, et en tant que tel, puisqu’il s’agit là d’une question de santé mentale et de santé tout court, admettons que Hanni a bien le droit de faire ce qu’il lui chante. Et que s’il y a des adjectifs qui viennent immédiatement à l’esprit ce sont plutôt SINCÈRE, voire même… HONNÊTE !! FLIGHT est tout sauf un coup de bluff excessivement calculé pour récupérer un nouveau public, il tient plutôt de l’assemblage de bric et de broc de trucs visiblement très personnels, très intimes même (comme son amour pour sa chienne, immortalisée sur la pochette cynophile et dans la chanson HARLOW), et le fait que des potes plutôt costauds en la matière aient donné un coup de main ne serait être retenu contre lui.
Car ce qui transparaît rapidement à l’écoute des chansons, toutes très brèves, c’est que derrière l’habillage “moderne”, HEK n’a – logiquement – rien perdu de son savoir-faire de mélodiste “rock classique” et de sa sincérité de parolier, un savoir-faire qui pointe son nez à la moindre occasion : le single STRESSY d’ailleurs a une forte connotation « rock’n’roll attitude »… tandis que l’esprit punk de l’énervé COLORS, la rythmique reggae mais agressive de LEADER (l’une des chansons les plus percutantes de l’album, avec ses paroles pour le moins provocantes : « If you’re looking for some water (Won’t be it here) / If you’re looking for some patience (Won’t be here) / If you’re looking for some strange (Won’t be here) / If you looking for a dollar (Won’t be here) »), ou encore le crescendo émotionnel de HOW devraient pouvoir encore séduire les nostalgiques du HEK d’antan.
Si, malgré sa courte durée de 31 minutes, FLIGHT comporte quelques passages qui frôlent le remplissage, a tout d’un album de transition et ne saurait donc prétendre égaler les premiers disques de Hanni El Khatib, les nouvelles sont bonnes : HEK is alive and… getting better.
Eric Debarnot