Pas assez remarqué lors de sa sortie en février dernier, la Dernière Vie de Simon est un premier film singulier qui mérite une seconde chance…
On ressent forcément une immense sympathie vis à vis de la première oeuvre d’un jeune réalisateur qui y met tout ce qu’il a dans le cœur, comme s’il ne devait jamais y avoir de second film (ce qui est, bien entendu, toujours possible, au Cinéma !), et même si le film n’est pas forcément au niveau d’œuvres de cinéastes plus expérimentés, la fraîcheur et l’énergie (du désespoir, peut-être ?) qui s’en dégagent lui confère quelque chose de particulier, de touchant.
On a donc envie de comparer cette Dernière Vie de Simon à un Donnie Darko par exemple (oui, on sait qu’il s’agissait là d’un second film !), sans doute à cause de l’utilisation similaire du cinéma de genre pour raconter une tragédie intime. Si le film de Léo Karmann ne bénéficie pas, malheureusement, de la révélation d’un acteur de la trempe de Jake Gyllenhaal, et si l’on souhaite d’ailleurs à son réalisateur une carrière plus réussie que celle de Richard Kelly, on a l’impression d’être passé devant cette Dernière Vie de Simon par les mêmes extrêmes, de l’admiration devant le culot d’une histoire aussi décalée et pourtant puissante, à l’irritation devant certains petits ratages qui empêchent le film d’atteindre sa pleine splendeur.
Évacuons d’abord le mauvais débat qui a été fait autour du film : oui, Karmann est clairement un fan du Spielberg des débuts, et il se laisse aller à plusieurs citations directes de ses films préférés, mais ces clins d’oeil ne seront des diversions que pour ceux qui sont obsédés par les filiations et transmissions au cinéma : si l’on excepte une excellente direction du casting enfantin de la première partie du film (et d’ailleurs cette partie avec des enfants est plus convaincante que celle des jeune adultes, pas toujours à l’aise dans leurs rôles), il n’y a absolument rien de « spielbergien » dans la Dernière Vie de Simon… Entre les principes éternels du conte – excessivement cruel – classique européen, avec enfants perdus dans la forêt et inceste / adultère qui rôde, et tragédie familiale littéralement flamboyante dans la dernière partie, Karmann se démarque clairement du cinéma d’entertainment à l’américaine… même s’il aurait fallu une mise en scène plus audacieuse sans doute (et beaucoup, mais beaucoup moins de musique sur-signifiante) pour élever le film au-dessus de son scénario malin.
La partie « suspense » de l’hôpital est elle-même superflue, et tranche finalement avec le fond « douloureux » du film, mais on imagine bien que Karmann a eu envie de jouer avec le pouvoir de transformation de Simon dans des situations plus tendues. Ce n’est là néanmoins qu’une petite scorie, avant une conclusion joliment mélo-dramatique qui récompense la confiance du spectateur.
A sa sortie en février dernier, la Dernière Vie de Simon n’a pas rencontré son public, malheureusement, mais le buzz autour du film désormais disponible en VOD nous laisse l’espoir d’une seconde chance pour ce film singulier. Léo Karmann le mérite !
Eric Debarnot