La poursuite de la découverte tardive de The Sinner, cette série largement décalée dans son propos par rapport au mainstream des séries policières, nous réserve à nouveau de bonnes surprises et suscite des réflexions passionnantes.
Reprenant la même structure que sa première saison, c’est-à-dire la recherche des motifs, matériels et psychologiques, d’un meurtrier dont le crime ne fait aucun doute, en parallèle avec le travail personnel de « guérison » d’un flic revenant sur ses propres traumas d’enfance, The Sinner développe dans cette suite encore plus clairement son sujet profond. Et confirme donc une singularité thématique qui la distingue de 99% des séries policières américaines « grand public » disponibles sur les plateformes de streaming.
Alors que l’on voit se dessiner rapidement (dès le second épisode) une condamnation – désormais assez convenue – des sectes, Derek Simmond dévoile progressivement son véritable propos, qui est la condamnation sans appel de la violence masculine faite aux femmes et aux enfants. Ce que la série nous dit, c’est que si la secte de Mosswood a eu un impact aussi destructeur sur les jeunes femmes qui s’y étaient réfugiées, c’est clairement parce qu’elle est devenue, sous l’influence du « Beacon » et des hommes « de pouvoir » de la ville voisine, un lieu où abus sexuels et violences soi-disant « libératrices » étaient encouragés, pas parce que s’y pratiquaient des techniques de psychanalyse non conventionnelles : ce point de vue inhabituel est évidemment assez malaisant, et ce d’autant que le « work » pratiqué par la nouvelle responsable de la communauté nous est présenté comme efficace pour libérer Ambrose de son passé ! Si l’on adhère forcément à la vision très dure que The Sinner propose à nouveau sur la culture prédactrice des mâles américains, on peut quand même émettre des réserves quant à sa vision de la psychanalyse et de la psychiatrie.
Ceci posé, on prendra à nouveau un grand plaisir à ces huit épisodes aussi complexes que judicieusement construits, portés par une interprétation impeccable d’un Bill Pullman fascinant et d’une Carrie Coon superbe d’ambiguïté, réussissant à nous toucher avec sa composition très fine d’un personnage paradoxal. On pourra sans doute regretter que certains fils de l’intrigue se voient assez sommairement abandonnés (Qu’est devenu le Beacon ? Quelles ont été les conditions de son départ ? Quid de cette troupe de machos violents qui ont dévasté la secte et de leur leader ?) au bénéfice d’un final un peu plus convenu. Par contre, on se délectera rétrospectivement d’un premier épisode magistral, en ce qu’il nous démontre que nous sommes tous très rapides à juger d’une situation en fonction de critères de « normalité » (une famille ordinaire en route pour les Chutes du Niagara, des conflits ordinaires entre ses membres…) : c’est en faisant exploser cette illusion et en dévoilant les abîmes qui s’y dissimulent que « The Sinner » fait réellement son travail le plus intéressant.
Eric Debarnot