Une jolie surprise que cette série B dont on n’attendait pas grand-chose, mais qui se transforme peu à peu en drame tendu, grâce à un scénario surprenant et à une mise en scène digne de ce nom.
Voilà bien un film qu’on aborde sans se faire de grandes illusions, vu son réalisateur qui n’a pas fait encore fait ses preuves derrière la caméra (l’acteur italien Andrea di Stefano), son script a priori sans grande originalité (un informateur du FBI infiltré dans une prison pour y réunir des informations sur le trafic de drogue d’un caïd de la mafia polonaise – qui nous change un peu de la sempiternelle mafia russe !), et surtout vu son acteur principal, le beau gosse scandinave et musclé de service, Joel Kinnaman. Mais, alors qu’il y a bien des films qui peu à peu se défont devant nos yeux à partir d’un précepte de départ excitant, il y a aussi des films – limite de série B, entendons-nous bien – qui, comme The Informer se construisent devant nous, contre toute attente. Et nous laissent finalement deux heures plus tard passablement satisfaits par une expérience pas loin d’être impeccable.
Expliquons-nous : d’abord, il y a ce scénario, dont on n’attendait guère que les figures obligées du genre, et qui prend un virage inattendu en devenant un affrontement feutré entre « good cops » et « bad cops », ce qui nous vaut quelques petits twists bien construits, et déplace le propos sur un terrain différent, beaucoup plus tendu, parfois même angoissant : l’obstination qu’a le sort à s’acharner sur notre héros et sa famille conduit presque le film à la tragédie, évitée de justesse, non sans un zeste d’invraisemblance, il est vrai…
Ensuite, la réalisation de Di Stefano s’avère un modèle de sobriété, évitant largement tout effet spectaculaire, et condensant les quelques scènes d’action pour un maximum d’impact émotionnel : il devient clair que le réalisateur a quand même l’ambition d’élever son film au dessus de ce que le matériau de départ pouvait lui offrir, et cette tentative d’aller plutôt vers le drame humain que vers la violence décérébrée, même si elle n’est pas complètement concluante, l’honore singulièrement.
Et enfin, il y a le bonus du jeu impeccable de deux bons acteurs comme Rosamund Pike et Clive Owens – dans le premier rôle à notre connaissance d’ordure intégrale de sa carrière – qui assurent une vraie crédibilité de nombres de scènes qui n’auraient peut-être pas fonctionné aussi bien sans eux. Au final, on en arrive presque à apprécier le jeu minimaliste – mais dans un registre mutique et angoissé – de Kinnaman, bien plus convaincant ici qu’il ne l’était dans la première saison de Altered Carbon.
Bref, on reste largement dans le cinéma de genre, mais haut de gamme, et il n’est pas interdit d’apprécier, avec un peu d’imagination, quand même – la description quasi scorsesienne des relations entre mafieux (« Little Poland » = « Little Italy » ?), feds et flics du NYPD. ça nous ira très bien pour cette fois !
Eric Debarnot