Après le réussi Goodnight mommy en 2015, Veronika Franz et Severin Fiala reviennent avec une sorte de film d’épouvante psychologique à moitié convaincant.
Veronika Franz et Severin Fiala s’étaient faits remarquer en 2015 avec l’intrigant Goodnight mommy qui avait même eu droit aux honneurs de la Mostra de Venise et du Festival de Gérardmer. Plus rien depuis, sinon un segment réalisé pour le film d’horreur d’anthologie The field guide to evil en 2018. Surprise donc de les voir revenir avec un nouveau long métrage présenté cette fois à Sundance (et à Gérardmer, encore). The lodge, dans la continuité formelle et scénaristique de Goodnight mommy, mise avant tout sur une horreur psychologique et un cadre clos dans lequel vont s’épanouir chaos et aliénation, dans la droite lignée de It comes at night, The witch et surtout Hérédité (auquel on pense beaucoup), belles réussites dans le genre.
À l’instar donc de Goodnight mommy, il y a ici une maison étrange, deux enfants, une mère (en l’occurrence une belle-mère) un peu bizarre et un père que l’on verra peu. Et une menace latente dont on ne sait si elle a à voir avec un élément surnaturel (fantôme, maison hantée, esprit démoniaque ?) ou prenant racine dans les errements et les névroses de chacun (défiance, manipulation, fanatisme religieux). Parce qu’avec deux enfants en deuil rejetant une belle-mère au sombre passé (seule survivante, dans son enfance, d’un suicide de masse d’une secte apocalyptique) coincés dans un chalet isolé dont l’intérieur tapissé de lambris donne l’impression d’être enfermé dans un cercueil, il y a de quoi faire.
On se croirait presque revenu dans Shining : un lieu reculé de tout et de tous, une neige abondante, une famille dysfonctionnelle et la folie qui traîne. The lodge semble s’amuser à multiplier les pistes, à brouiller réel et imaginaire, entretenant jusqu’au bout le doute sur sa résolution, sur ses possibles interprétations. Mais c’est justement dans ce constant (et un rien délibéré) état de non-dits et de mystères que le film finit par lasser, et l’intérêt de la première heure de s’émousser progressivement jusqu’à un final logique (et tragique), mais arrivant après bien trop de longueurs et de détours narratifs. Sans parler de quelques détails frôlant parfois l’incohérence (l’avis de décès, la scène de pendaison, la fuite dans la neige).
Franz et Fiala ont en tout cas un indéniable talent pour créer une atmosphère inquiétante et mortifère à partir de pas grand-chose (c’était déjà le cas dans Goodnight mommy) : demeure singulière, comportements troubles, terreur sourde. Leur mise en scène, précise et anti-spectaculaire (c’est la austrian’s touch héritée de Michael Haneke et Ulrich Seidl), est magnifiquement soutenue par la photographie glaciale de Thimios Bakatakis (qui a œuvré, entre autres, chez Yórgos Lánthimos) et la musique flippante des toujours géniaux Danny Bensi et Saunder Jurriaans (Two gates of sleep, Martha Marcy May Marlene, Enemy, les séries Ozark et The outsider…). Mais tout cela ne suffit pas à dissiper ce sentiment de potentiel gâché, d’habile mécanique à questions et à twists préférée, en partie, à un drame familial poisseux hanté par la mort.
Michaël Pigé