Bien loin du très brésilien L’aventura (2014), Domesticated dévoile un Sébastien Tellier en homme d’intérieur, évoquant sa vie de bon père de famille sur des musiques très actuelles pour un résultat bluffant de justesse.
Une chose est certaine, on ne pourra pas reprocher à Sébastien Tellier une absence de prise de risques, et un manque de diversité musicale dans sa discographie. Il a, depuis ses débuts, une capacité à nous surprendre, ce besoin d’explorer de nouvelles pistes, parfois surprenantes voire parfois déroutantes mais en tout cas jamais intéressantes.
Une trajectoire musicale imprévisible
Artiste fantasque et aventureux, Sébastien Tellier n’a pas cessé, depuis ses début en 2000 avec L’incroyable vérité, d’explorer de nouvelles pistes musicales tout en gardant, en guise de fil rouge, cette dimension pop qui ressort sur l’ensemble de sa discographie.
Mais son véritable premier gros coup remonte à Sexuality, l’album de 2008 qui le mena tout droit à l’Eurovision et qui faisait suite à un album tout au piano, Sessions (2006) où l’on trouve notamment le classique et indémodable La ritournelle ainsi que la reprise du regretté Christophe, la Dolce Vita. Un album de pop synthétique qui lui ouvrit toutes grandes les portes de la gloire, un peu à la manière de Philippe Katerine avec Robots après tout.
Quatre ans plus tard, Tellier prenait une fois encore tout le monde de court avec My God Is Blue, album conceptuel et informe, dont on ne sait, encore aujourd’hui, quoi réellement penser. En revanche, en 2014, il mettait tout le monde d’accord avec l’Aventura, un disque brillant, bucolique et charnel, enregistré en partie sous le soleil du Brésil… aux antipodes de Confection (2013) sorti entre les deux et que l’on a un peu oublié.
un album à faire fuir n’importe quel amateur d’indie pop-rock lambda
Et puis voilà que le chanteur à l’immense barbe revient en ce mois de mai 2020 au « tout synthétique » avec un album qui une fois encore pourrait se révéler assez clivant, et se présente à l’exact opposé du précédent.
Car à première vue Domesticated a tout de l’album tape-à-l’œil, bling-bling, bien dans l’air du temps, avec voix vocodée, sonorités électroniques actuelles et production XXL. De quoi faire fuir n’importe quel amateur d’indie pop-rock lambda. Et pourtant, une fois passé l’effet de surprise, une fois accepté cet énième changement de direction à 180°, on se laisse tout doucement apprivoiser par ces chansons électroniques où l’on retrouve les mélodies et les refrains magnifiques de Sébastien Tellier.
Au fil des écoutes, Domesticated nous happe l’oreille, fait vaciller nos certitudes ; et quand il sera bien apprivoisé, il se révélera totalement addictif. Un album qui nous fera un peu le même d’effet que celui ressenti en 2018 au contact du dernier disque de Charlotte Gainsbourg (Rest, 2017) produit en compagnie notamment de SebastiAn.
une redoutable machine à danser
Digne successeur de Sexuality, Domesticated a été enregistré et mixé par quelques pointures rap et r’n’b du moment, mais à aucun moment on ne ressent cette lourdeur ce côté prévisible et calibré qu’on retrouve dans bon nombre de productions actuelles. Car, que l’on ne s’y trompe pas, Domesticated est d’abord et avant tout un album de pop moderne… Mais derrière ce cité fiévreux et charnel (A Ballet, Oui, Atomic Smile) c’est aussi une redoutable machine à danser, un condensé de musique charnelle et sensuelle qui devrait faire des malheurs sur les dancefloors les plus chics de la planète au cours des semaines à venir, à l’image du single Domestic Tasks ou de titres comme Venezia ou Hazy Feelings
Benoit RICHARD