Laisseriez-vous votre fille épouser Kanye West ? A cette question rituelle depuis l’apparition de stars scandaleuses au début des années 60, le livre d’Adrien Durand, Kanye West ou la Créativité Dévorante (Playlist Society) apporte quelques éléments de réponse… encore insuffisants !
Une défaite de la musique…
Adrien Durand, visiblement passionné par son sujet, mais aussi très admiratif devant Kanye West, l’admet dans la conclusion de son ouvrage sur la star scandaleuse du hip hop et de la « pop » (comme ils disent aujourd’hui…) commerciale américaine : « Si l’on peut y voir une défaite de la musique – ses disques majeurs auraient-ils eu le même succès sans la mise en avant de sa personnalité ? – c’est en tout cas la victoire d’un esprit créatif sur un monde obsédé par la communication, qui événementialise chaque instant. » Et Kanye West ou la Créativité Dévorante, nouvel ouvrage de réflexion sur la culture contemporaine (qu’on aurait pu aussi qualifier de culture pop, justement) paru chez Playlist Society, fait clairement le deuil de la musique, dernière roue du carrosse en or de ces monstres générés par une société ivre d’apparence, d’excès et de scandale.
Et si, comme c’est notre cas, la « musique » (mis entre guillemets d’ailleurs, vue la quantité de procès pour plagiat, par exemple, impliquant Kanye West) du « plus grand artiste vivant de notre époque » (entre guillemets à nouveau, tant il nous semble nécessaire de laisser à Adrien Durand la responsabilité de ce titre assez délirant…) ne nous intéresse absolument pas, doit-on lire ce livre ? La réponse est incontestablement OUI : on n’y apprendra – malheureusement – rien de bien convaincant sur ce qu’est le talent « musical » de son sujet ; on ne découvrira – et c’est heureux, en revanche – rien de nouveau sur ses frasques sexuelles, ses provocations incohérentes ni ses accès de violence verbale plutôt consternants ; mais on y trouvera beaucoup de grain à moudre pour peu que l’on se sente intrigué par les mécanismes actuels du business, de la célébrité et de la puissance. Et l’on appréciera également le contexte politique / social dans lequel Durand place son récit et son analyse : alors que le récent meurtre de George Floyd aux USA confirme que la situation raciale y reste critique, il est essentiel de considérer la réussite individuelle de stars afro-américaines dans la perspective de la condition générale de leurs « frères et sœurs ».
Provocation ou bipolarité ?
De ce point de vue, là, si le chapitre d’ouverture de Kanye West ou la Créativité dévorante revient très utilement sur l’histoire de la cause « black » et sur l’environnement dans lequel le jeune Kanye a grandi, il est dommage que Durand n’ait pas poussé plus loin ses réflexions quant à la dérive droitière de la star, critiquant hier violemment l’administration américaine pour son abandon de la population de la Nouvelle Orléans après Katarina, mais devenue depuis soutien de Trump, et capable de prétendre à la responsabilité du peuple noir dans l’esclavage ! Les justifications proposées par Durand, allant d’un goût exagéré pour la provocation (en se référant à l’admiration professée par Kanye pour Andy Kaufman !) aux conséquences d’une bipolarité diagnostiquée bien tard, nous semblent un peu courtes : on aurait aimé que le livre creuse plus les mécanismes à l’œuvre derrière ces déclarations controversées ou ces coups d’éclat médiatiques, sans tomber pour autant dans la simple chronique des comportements largement déviants de Kanye.
Peut-être le livre aurait-il pu également bénéficier des réflexions de psychologues ou de psychothérapeutes sur « le cas Kanye West », sur ce qui a pu amener un artiste à devenir une sorte de caricature déplaisante de tous les vices de son époque : addiction à la pornographie, violence contre les femmes, célébration du luxe le plus absurde, ambition et cupidité défiant toute morale, et pour finir… profession d’une rédemption religieuse salvatrice caressant les masses trumpistes dans le sens du poil ?
Enfin, sur le plan artistique, il reste tout un volet du travail de Kanye West qui est malheureusement ignoré par Adrien Durand, celui de ses créations de vêtements et de chaussures. On aurait aimé en savoir plus, et ce d’autant que l’on sait que l’accueil qui leur a été réservé a été très variable.
En attendant la Saison 2…
Bref, on referme Kanye West ou la Créativité Dévorante avec le sentiment mitigé de n’avoir fait que visiter la pointe de l’iceberg : tout cela était réellement passionnant, mais il semble qu’il reste tant de choses à écrire sur le sujet ! Peut-être est-ce prévu, et peut-être y aura-t-il une « suite » à ce premier livre ? Après tout, ne serait-ce pas dans la logique d’une époque qui n’aime rien tant que rythmer son existence au fil des séries TV-fleuves ? Alors, messieurs les responsables de Playlist Society, à quand Kanye West – Saison 2 ?
Eric Debarnot
n’importe quoi cet article , à quel moment est ce que Kanye West a été violent envers les femmes , à quel moment est ce que Kanye a célébré le luxe le plus absurde , et également depuis quand est il dénué de moral ? encore une fois un article écrit par un incompétent peu renseigné …